Guerre du Cameroun : défier l’oubli

C’était une dépendance allemande, conquise par le fusil, soumise par le travail forcé dès 1884.

Vue aérienne de Yaoundé et ses environs. © Andrew Harnik/AP/SIPA

Vue aérienne de Yaoundé et ses environs. © Andrew Harnik/AP/SIPA

Clarisse

Publié le 16 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Page 8 du Petit Journal, supplément du dimanche, datée 21 février 1904. Légende : « Combat sanglant dans le Sud-Ouest africain / La garnison allemande de Windhoek, assiégée par les Herreros [sic], débloquée » © Wikimedia Commons
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Colonisation : l’Allemagne aussi

Privé de ses colonies à la fin de la Première Guerre mondiale, le IIe Reich fut présent en Afrique pendant trente-cinq ans. Une exposition à Berlin revient sur cette histoire, éclipsée dans la mémoire du pays par le conflit de 1939-1945 et par l’Holocauste.

Sommaire

Placé sous mandat de la Société des nations en 1916 et confié à la France, le Cameroun devient, à la fin des années 1940, une zone de non-droit, où Paris livre, dans le plus grand secret, une guerre totale contre les indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC), écrivant ainsi l’une des pages les plus sombres de l’histoire de sa présence en Afrique. Dans La Guerre du Cameroun, paru mi-octobre aux éditions La Découverte, deux journalistes français et un historien camerounais démontent les mécanismes qui ont conduit à cette guerre, puis à la confiscation des indépendances.

Une colonisation violente

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Leur ambition ? Tordre définitivement le cou au mythe de la décolonisation pacifique en Afrique subsaharienne. « Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, expliquent-ils, comme toutes les puissances coloniales européennes, la France est face à une équation a priori insoluble : comment conserver son emprise sur le monde quand tout milite pour la fin des empires coloniaux qui ont contribué, pendant des décennies, à sa prospérité ? » De plus, défaite en Indochine et défiée en Algérie au début des années 1960, elle juge indispensable l’écrasement, de manière préventive, de toute nouvelle insurrection anticoloniale.

« Identification des individus, instauration de laissez-passer, érection de camps de regroupement, déportations populaires […], levée de milice de combats, infiltration des groupes rebelles, bombardements aériens, assassinats ciblés, disparitions forcées, exécutions publiques, exhibition de têtes coupées, systématisation de la torture […] : toutes ces techniques ont été utilisées à plus ou moins grande échelle au Cameroun au cours des années 1950 et 1960 », énumèrent les auteurs. Après une indépendance en trompe l’œil, les autorités camerounaises prennent la relève jusqu’en 1971, appliquant les mêmes méthodes.

Un défi organisé

Pour les auteurs, le « succès » de cette guerre tient surtout au grand silence imposé par Paris et Yaoundé sur cette longue guerre française qui a fait quelque 100 000 morts. Déjà publiée une première fois en 2011 chez le même éditeur, cette nouvelle version de l’ouvrage de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa se veut plus synthétique et plus complète, nourrie de témoignages inédits recueillis des deux côtés.

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Comme une réponse et des arguments supplémentaires apportés à la France, qui persiste à nier cette guerre d’indépendance. Pour l’historien franco-congolais Elikia M’Bokolo, la France est l’un des cas les plus symptomatiques du double langage et de la difficulté qu’éprouve l’Europe à assumer son passé. Un passé où l’esclavage, la traite, la colonisation, la décolonisation et le néocolonialisme représentent des pages sombres sur lesquelles nous devons tous réfléchir davantage.

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