Tchad : le plan d’urgence à la loupe
Fin 2015 déjà, malgré l’approche de la présidentielle, le gouvernement avait annoncé des mesures d’austérité, dont le gel du recrutement des fonctionnaires.
Pétrole et terrorisme : double choc pour le Tchad
Le pays est confronté à la fois à une crise financière sans précédent et aux attaques de Boko Haram. Idriss Déby Itno est contraint d’entamer son cinquième mandat sous le signe de l’austérité. Et de convaincre qu’il n’a pas d’autre choix.
Idriss Déby Itno lui-même, bien que candidat, a averti dans son message à la nation du 31 décembre que 2016 allait être « une année difficile ». C’est donc sans surprise que « seize mesures de réforme d’urgence » ont été adoptées dès le 31 août, en Conseil des ministres extraordinaire, dans le but de réduire les charges, d’augmenter les recettes et d’améliorer l’efficacité de la dépense publique et le rendement des services de l’État. Mais même si elles étaient attendues, ces mesures font grincer bien des dents.
Mesures financières drastiques
Concrètement, les députés ont dû renoncer à la moitié de leurs émoluments, les ministres à 80 % de leurs indemnités hors salaire, les frais de mission à l’intérieur du pays et à l’étranger ont été divisés par trois. Les effectifs des cabinets de la présidence et de la primature ont été revus à la baisse, tout comme les traitements accordés aux chefs coutumiers. Les bourses des étudiants ont été suspendues (à l’exception de celles des élèves des écoles professionnelles), de même que l’acquisition de nouveaux véhicules pour l’État. Les nombreux organismes sous tutelle sont soit fusionnés, soit dissous…
Si les économies se chiffrent déjà en dizaines de milliards de F CFA, l’efficacité de ces mesures d’austérité n’est pas encore perceptible. D’autant que les résultats du dernier trimestre – et peut-être ceux du début de 2017 – risquent d’être marqués par la paralysie de l’Administration. En effet, les agents et employés de la fonction publique, dont les indemnités sont réduites de moitié pour dix-huit mois, refusent d’accepter ces mesures et enchaînent les mouvements de grève.
Le corps politique contesté
Le climat était déjà très tendu depuis le début de l’année entre le gouvernement et les centrales syndicales. La principale d’entre elles, l’Union des syndicats du Tchad (UST), avait d’ailleurs pris parti contre la réélection du chef de l’État en s’engageant dans le mouvement de la société civile pointant « les vingt-six années de mauvaise gestion » du président sortant.
« Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour l’incurie des gouvernants ! » a lancé Michel Barka, président de l’UST. Depuis, lesdits travailleurs se mettent en grève une semaine à chaque début de mois, chaque fois que les salaires n’ont pas été payés. L’opposition s’est engouffrée dans la brèche et a déposé, mi-octobre, une motion de censure contre le gouvernement (lire pp. 62-64).
Au sein de la majorité, on s’efforce d’expliquer que ces mesures sont indispensables. « La pilule est amère, mais il faut bien l’avaler si nous voulons sauver la situation d’ici à six mois », insiste Mahamat Zene Bada, le secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir).
Un mal nécessaire ?
L’Association tchadienne des anciens élèves de l’ENA de France, dirigée par le ministre de l’Aménagement du territoire, David Houdeingar, a proposé au gouvernement d’ajuster certaines mesures. Elle estime par exemple que la dissolution de l’Office national de radio et télévision (ONRTV) n’était pas une bonne option. « La tendance à l’autonomisation des organismes audiovisuels s’observe dans le monde entier, car ce mode de fonctionnement leur permet d’atteindre leurs objectifs plus efficacement.Il serait donc judicieux de maintenir l’ONRTV en office », conseillent les énarques.
Ils suggèrent surtout de privilégier les recettes fiscales, jusqu’à présent mal recouvrées, pour renflouer les caisses de l’État. Il s’agirait notamment d’explorer de nouvelles sources de recettes, par exemple dans l’immobilier ou les visas, et de revoir les exonérations fiscales aux entreprises, qui représentent un manque à gagner estimé à 300 milliards de F CFA (457,35 millions d’euros).
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