Zohra Driss : « Les jeunes Tunisiennes sont déterminées à arracher les places »

Discrétion, précision, efficacité… Selon l’entrepreneuse, les Tunisiennes s’impliquent davantage que les hommes dans leur travail. Et méritent qu’on leur fasse confiance.

Zohra Driss (Tunisie) propriétaire de l’hôtel Riu Imperial Marhaba
Paris, le 13 décembre 2016 © Vincent Fournier/JA

Zohra Driss (Tunisie) propriétaire de l’hôtel Riu Imperial Marhaba Paris, le 13 décembre 2016 © Vincent Fournier/JA

Publié le 28 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

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Femmes d’affaires : le parcours des combattantes

Pour celles qui veulent créer leur entreprise, les difficultés sont nombreuses. La plus grande : réunir les fonds nécessaires. Les banques vont-elles enfin s’intéresser au formidable potentiel que les futures patronnes représentent ?

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Sous les feux de l’actualité lorsqu’une attaque terroriste a ciblé, en 2015, l’hôtel Riu Impérial Marhaba dont elle est propriétaire, Zohra Driss est une personnalité du monde des affaires élue députée en 2014. Pour JA, elle livre son sentiment sur la place des femmes dans les entreprises.

Jeune Afrique : Il est encore rare de voir une femme à la tête d’une société en Tunisie, pourquoi ?

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Zohra Driss : Malheureusement, on fait généralement plus confiance aux hommes qu’aux femmes, même dans la famille. On léguera plus facilement une entreprise à un homme, on capitalisera plus sur les études des garçons, comme si on avait plus envie qu’ils réussissent. La partition de l’héritage en faveur des descendants mâles conforte cet état d’esprit. Cependant, la répartition des rôles évolue : les femmes deviennent chefs de famille, gèrent l’éducation des enfants et le budget familial. Cela arrange les hommes qui désertent certaines responsabilités.

Qu’apportent les femmes dans l’univers professionnel ?

Leur approche est différente, plus discrète mais efficace. De façon générale, à un poste de direction, une femme s’implique plus qu’un homme, car elle sait qu’à fonction égale on attend plus d’elle. Tous reconnaissent que son rendement est meilleur, qu’elle est plus précise, plus travailleuse et aussi plus fidèle à l’entreprise que ses homologues masculins. Souvent, les femmes souffrent d’un manque de visibilité. Vu les nombreuses charges qui leur incombent, elles n’ont ni le temps ni le désir de se mettre en avant.

« Si les femmes avaient plus de pouvoir, cela irait mieux » : adhérez-vous à cette idée fréquente ?

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Oui. Nous sommes dans une société d’hommes malgré l’émancipation de la femme. Ils perçoivent son efficience et la craignent au point de ne pas vouloir la laisser apparaître. Si le principe de parité n’avait pas été adopté sur les listes électorales, bien peu de femmes seraient actives en politique. Le monde peut être géré par des femmes, elles y arriveront, la prise de conscience est là, les jeunes sont plus déterminées à arracher les places.

Mais attention aux déséquilibres et aux écarts qui se creusent. En Tunisie, 67 % des diplômés sont des femmes et ce pourcentage augmente. En face, chaque année, 110 000 jeunes, essentiellement des hommes, postulent à un emploi sans réel bagage. Ce qui risque d’en faire des électrons libres susceptibles d’être happés par un courant ou un autre. Tandis que les femmes au cursus scolaire plus long ne peuvent trouver un compagnon à leur niveau. Préserver les équilibres est une question de volonté politique.

Avec les mêmes qualifications, les femmes doivent travailler plus et démontrer sans cesse qu’elles sont méritantes

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Quelles sont les priorités pour les Tunisiennes dans le monde du travail ?

Il faut encore une fois une volonté politique mais aussi sociale ; il s’agit de faire confiance aux femmes. Le monde des affaires et de la politique est plus exigeant à l’égard des Tunisiennes. Avec les mêmes qualifications, elles doivent travailler plus et démontrer sans cesse qu’elles sont méritantes. Permettre l’accès des femmes à l’entrepreneuriat revient aussi à leur faciliter l’accès au capital. Cela demande un travail sur les mentalités, qui progressent lentement. Il faut conserver l’espoir et l’envie de faire.

Comment elle voit l’avenir de l’hôtellerie

Le tourisme est prometteur. Partir en vacances est aujourd’hui fondamental pour les individus, d’où l’impératif de sécurité. En Tunisie, il y a eu un avant- et un après-26 juin 2015 : l’attentat d’El Kantaoui a été un électrochoc et, depuis, les avancées en matière sécuritaire sont considérables – au point que le pays, selon Scotland Yard, est plus sûr que la France, la Belgique ou l’Égypte. Il faut continuer dans ce sens mais il est aussi primordial que les pays arabes retrouvent une certaine paix.

L’autre point épineux est la dégradation de l’environnement. Pour donner envie aux touristes de venir visiter le pays, il faut mettre le holà aux négligences. C’est aussi une question d’éducation, de culture : les Tunisiens doivent prendre conscience que ce pays est leur bien commun, et que ce ne sont pas seulement les gouvernants qui en ont la responsabilité. »

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