Stratégie : comment le Bénin compte relancer son économie
Dans l’ambitieux projet économique présenté par Patrice Talon, l’investissement public occupe une large place. Mais de nombreux Béninois restent dubitatifs.
Consolider la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance, engager la transformation structurelle de l’économie et améliorer les conditions de vie des populations. Tels sont les trois piliers sur lesquels repose le Programme d’actions du gouvernement (PAG), présenté le 16 décembre par le président du Bénin, Patrice Talon, pour accélérer le décollage économique du pays. Son coût, que d’aucuns jugent faramineux, dépasse les 9 039 milliards de F CFA (13,8 milliards d’euros) pour la période de 2016 à 2021.
De quoi booster le taux d’investissement public, « pour porter le taux de croissance à 6,5 % [contre environ 5 % en 2016] et créer 500 000 emplois directs », explique Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement. « Nous avons pensé [ce programme] comme un concentré d’actions à impact rapide pour permettre à nos populations de mieux vivre », précise le ministre.
Vers un coton plus rentable
Le PAG béninois est bâti autour de sept axes stratégiques déclinés en 77 réformes prioritaires et 299 projets. Il prévoit entre autres la dynamisation de pôles de croissance et de compétitivité. Six pôles seront par exemple créés pour le développement agricole. « Le Bénin est réputé pour sa production de coton. C’est pour notre économie un véritable atout qu’il nous faut rentabiliser davantage. Nous envisageons de réorganiser la filière afin d’assurer à tous les acteurs une rentabilité certaine.
Nous examinons déjà les conditions d’amélioration des rendements à l’hectare. Il faudra ensuite développer tout un écosystème autour de cette filière, intégrant les paysans en amont, mais aussi l’aval : les égreneurs, les oléiculteurs, les producteurs de l’industrie du textile (coton fibre, tissus écrus, tissus imprimés) », détaille Abdoulaye Bio Tchané.
Beaucoup s’interrogent sur la capacité des autorités béninoises à mobiliser les fonds nécessaires à la mise en œuvre de ce plan, d’autant que seuls 889 milliards de F CFA (moins de 10 % du coût total) sont pour l’instant disponibles. « Le secteur privé financera 71 % des projets phares, dans le cadre de partenariats public-privé », assure le ministre. Le pays, dont le taux d’endettement est estimé à 37 % du PIB en 2015, négocie également un accord avec le FMI pour accéder à des prêts concessionnels.
Peu d’intérêt porté au social
Par ailleurs, les détracteurs du président Patrice Talon signalent que, sur les 299 projets annoncés, 139 sont réellement nouveaux, les 160 autres étant déjà en cours. Lors de leur conseil national, le 3 décembre à Cotonou, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), principale force politique du précédent gouvernement, ont dénoncé « l’absence criarde de politique sociale ». Enfin, Léonce Houngbadji, président du Parti pour la libération du peuple (PLP, opposition), fustige « un catalogue d’intentions sans cohérence, irréalisable et irréaliste, […] élaboré à la va-vite et sans concertation ».
Malgré ces critiques, le vaste chantier est désormais officiellement lancé. Le budget général prévisionnel de l’État pour 2017 table sur un exercice à 2010 milliards de F CFA, dont 808 milliards seront consacrés à l’investissement public. « C’est une augmentation considérable par rapport à l’exercice 2016. Elle sera essentiellement axée sur le développement et le social », souligne Abdoulaye Bio Tchané. Aux accusations de l’opposition, Romuald Wadagni, ministre des Finances, répond en montrant le budget des secteurs sociaux, qui passera de 78,41 milliards de F CFA en 2016 à 265,95 milliards en 2017.
Le gouvernement de Patrice Talon, qui prend encore ses marques, sait qu’au-delà des critiques de l’opposition le principal ennemi de sa planification sera la politique du Nigeria : frappé par la récession, le pays multiplie les mesures protectionnistes qui pénalisent ouvertement le Bénin.
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