Sénégal : Macky Sall garde un œil sur Banjul
Macky Sall suit de près la situation en Gambie. Après avoir fait pression pour que Yahya Jammeh accepte de quitter le pouvoir, il laisse le champ libre à la médiation de la Cedeao.
Il était en tournée à l’intérieur du pays lorsqu’il a appris qu’il n’en avait pas tout à fait terminé avec son meilleur ennemi. Ce 10 décembre, Macky Sall vient de passer une journée sans embûches avec les autorités religieuses à Tivaouane quand il apprend la nouvelle. Yahya Jammeh, après avoir accepté, à la surprise générale, sa défaite à l’élection présidentielle du 1er décembre, annonce qu’il en rejette finalement les résultats. Douche froide pour le président sénégalais, chez qui l’élection d’Adama Barrow avait fait naître l’espoir d’entretenir, enfin, des relations apaisées et fructueuses avec Banjul.
Pris une nouvelle fois au dépourvu par son imprévisible homologue gambien, Macky Sall n’aurait pourtant pas été totalement surpris par cette volte-face. À en croire ses proches, il se montrait même sceptique depuis la subite conversion de Jammeh à la démocratie. « Quand il a appelé Barrow pour le féliciter de sa victoire, c’était aussi, voire surtout, pour lui conseiller d’être prudent », assure une source qui a ses entrées au palais. Le chef de l’État sénégalais craignait notamment pour la sécurité du challenger de Jammeh. Bien que cela ait été démenti par l’État sénégalais depuis, plusieurs sources confirment que Macky Sall aurait validé l’envoi d’une dizaine de gardes du corps pour assurer sa protection rapprochée quarante-huit heures après son élection.
Des rapports continuellement tendus avec Jammeh
C’est qu’au fil des ans Macky Sall a appris à se méfier de l’impulsif maître de Banjul, pour lequel il a peu d’estime. À son arrivée au pouvoir, en avril 2012, il avait essayé d’instaurer un climat de confiance avec son voisin en se rendant notamment en Gambie quelques jours seulement après son investiture. Mais les crises à répétition entre les deux pays – exécution de deux Sénégalais fin 2012, accusation de soutien à la tentative de coup d’État contre Jammeh en 2014, fermeture de la frontière pendant plusieurs mois début 2016… – ont fini par plomber la relation délicate entre les deux hommes, qui se vouent aujourd’hui une défiance réciproque.
Quand l’autocrate gambien a laissé penser qu’il quitterait le pouvoir en douceur après vingt-deux années de règne sans partage, Macky Sall comptait évidemment parmi les premiers satisfaits. Il fut donc aussi, sans surprise, l’un des premiers à contre-attaquer lorsque Jammeh est revenu sur sa décision. D’abord en saisissant le Conseil de sécurité de l’ONU, à New York, puis en mobilisant ses différents partenaires africains et internationaux pour qu’ils fassent pression sur le président gambien. « Les Sénégalais ont été très réactifs, glisse un diplomate occidental. Ils ont immédiatement alerté tous leurs relais sur la gravité de la situation en Gambie. »
Interventions
Dans un premier temps, le message distillé a été celui de la fermeté. Après la convocation d’un conseil national de sécurité par le chef de l’État, son entourage a laissé entendre, dès le lendemain du retournement de Jammeh, qu’une intervention militaire n’était pas à exclure si les moyens diplomatiques échouaient, rappelant au passage que l’armée sénégalaise n’avait pas hésité à intervenir en Gambie, en 1981, lors de l’opération Fodé Kaba II.
Le ton s’est ensuite nettement adouci, du moins en façade. Une fois que la Cedeao s’est emparée du dossier, envoyant notamment à Banjul une délégation conduite par la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, les autorités sénégalaises se sont rangées derrière la médiation sous-régionale, probablement pour ne pas braquer Jammeh, qui n’a jamais apprécié l’immixtion de ses voisins dans ses affaires. « La Cedeao est désormais aux commandes. Donc silence radio tant qu’il n’y a pas de nouveau », explique un ministre, à Dakar. Une discrétion volontaire qui n’empêchera pas Macky Sall de suivre ce dossier de très près, tant le sort du Sénégal est intimement lié à celui, encore très incertain, de la Gambie.
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