Cinéma : Zinedine Soualem, acteur doux-amer

De Klapisch à Chabat, en passant par Lelouch ou Gondry, cet ancien mime de rue est devenu un incontournable du cinéma français. Rencontre.

Dans un restaurant du 11e arrondissement, à Paris. © Cyrille Choupas / JA

Dans un restaurant du 11e arrondissement, à Paris. © Cyrille Choupas / JA

Alexis Billebault

Publié le 22 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

L’accord scellé, un soir d’avant-première, entre Cédric Klapisch et Zinedine Soualem tient toujours. « En 1992, j’avais tourné dans son long-métrage, Rien du tout. Nous nous étions très bien entendus, et je lui avais dit sur le ton de l’humour qu’il devrait m’obtenir un rôle dans tous ses films. Il m’a regardé et m’a simplement répondu : “OK !” Et, depuis, j’ai joué dans tous ses films. Des rôles importants, d’autres moins. Cédric Klapisch est devenu quelqu’un de très proche », explique le comédien, présenté comme son acteur fétiche.

Et lors de cette année 2016 bien chargée, Zinedine Soualem a effectivement fait une apparition dans la prochaine production de son ami, Le Vin et le Vent, dont la sortie est prévue dans quelques mois. Le restaurant où nous l’avons rencontré, le Pause Café, situé rue de Charonne, dans l’Est parisien, a été immortalisé par le cinéma. « Dans la comédie Chacun cherche son chat [1996], Cédric avait tourné de nombreuses scènes ici », rappelle l’acteur, qui habite le quartier depuis près de trente ans.

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Le père d’une jeune djihadiste

Au premier contact, Zinedine Soualem se montre affable. La dernière image qu’on a de lui à l’écran est encore toute fraîche. Et bien différente. Le 5 octobre est sorti en salle Le ciel attendra, réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar, où il est question de l’enrôlement express de deux adolescentes converties par des jihadistes. Zinedine Soualem est le père athée – de celle qui sera arrêtée par la police juste avant qu’elle ne commette un attentat en France.

« C’est un homme qui n’a rien vu venir, qui est complètement dépassé par les événements. Il ne sait pas comment réagir face à l’attitude de son enfant, alors que sa femme [Sandrine Bonnaire, NDLR] parvient à mieux gérer la situation. » Quand la réalisatrice lui a soumis le scénario, à l’automne 2015, l’acteur n’a pas hésité. « Aucun amalgame n’est fait entre islam et terrorisme. J’ai trouvé le scénario subtil. »

Le tournage a commencé le 16 novembre, trois jours après les attentats commis à Paris et à Saint-Denis. Et le thème abordé, la triste actualité aidant, déborde assez largement du simple cadre cinématographique. « C’est un film utile, qui devrait être vu par les jeunes, par les parents. »

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Construction réseau

Partis de Sétif en 1949, ses parents à lui posent leurs valises à Thiers (Puy-de-Dôme), et y vivent toujours. Le père devient polisseur à la coutellerie de la ville, sa mère reste au foyer pour élever ses quatre enfants. Zinedine, né en 1957, est l’aîné. Élève moyen, « ni cancre ni crack », il avoue faire juste ce qu’il faut pour passer dans la classe supérieure. Bac en poche, le jeune adulte s’inscrit à l’université de Clermont-Ferrand pour suivre des études de lettres qui se révéleront éphémères.

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« À Clermont, j’ai commencé à rencontrer du monde, à avoir une vie culturelle, à suivre des cours d’expression corporelle. Un jour, j’ai rencontré un mime péruvien. Je suis parti à Cuzco quatre mois, où j’ai fait mime de rue, et j’ai continué cette activité en revenant en France. » Rapidement autonome, Zinedine Soualem arpente les festivals, dont celui d’Avignon, et les soirées privées, voyage à l’étranger pendant sept ans, mais décide d’élargir sa palette. « Le mime, c’est bien, mais on est un peu seul. Je me suis alors inscrit pour des stages au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine à Paris. J’y suis resté six ans. »

Acteur polyvalent

À 26 ans, il démarre une carrière sur les planches dans une pièce de Jean Genet. Puis viendra le cinéma, six ans plus tard. Et de nombreux rôles, dans tous les films de Klapisch donc, mais aussi dans certains de Claude Lelouch ou de Dany Boon. « J’aime autant le théâtre pour le rapport direct avec le public que le cinéma et le jeu avec la caméra. » Ses prestations dans Chacun cherche son chat, Ah ! si j’étais riche, Bienvenue chez les ch’tis ou encore Le ciel attendra prouvent qu’il est aussi à l’aise dans une comédie que dans un drame.

« Au cinéma, on dit que c’est plus facile de faire rire que pleurer… Je ne veux pas être enfermé dans un seul style. » Lui qui ne boit pas une goutte d’alcool et entretient une relation distante avec le sport, malgré une silhouette qui laisse supposer le contraire, s’est retrouvé dans la peau d’un garagiste porté sur la bouteille ou d’un entraîneur de football dans Didier.

Et sa palette pourrait encore s’élargir. Amateur de littérature, de théâtre, d’expositions, père de deux filles (22 et 26 ans) qu’il a eues avec l’actrice Hiam Abbass, il envisage de passer bientôt derrière la caméra. D’ailleurs, le scénario du film, « une comédie », serait déjà prêt…

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