Quand les Égyptiennes ont la nostalgie des sixties

Du temps de Nasser, les femmes s’habillaient à leur guise, sans crainte d’être harcelées. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Un groupe de militantes rappelle avec panache cette triste réalité.

Deux égyptiennes suivies par deux jeunes hommes près de la place Tahrir le 9 mai 2013. © Amr Nabil/AP/SIPA

Deux égyptiennes suivies par deux jeunes hommes près de la place Tahrir le 9 mai 2013. © Amr Nabil/AP/SIPA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 22 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Quand les tartuffes voudraient leur imposer le long niqab sombre pour les protéger des regards virils, un groupe d’Égyptiennes a décidé de revêtir les robes courtes et fleuries des années 1960 pour se défendre du harcèlement agressif dont leurs concitoyennes sont trop souvent victimes. « Qui d’entre nous n’a jamais souhaité vivre dans les années 1960 et s’habiller comme les femmes de cette époque sans subir de critiques ? » explique Hadia Abdel Fattah sur la page Facebook où cette militante féministe expose son initiative « Robes d’autrefois, quand les rues étaient sûres ».

Agressions sexuelles sur fond de révolution

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En 2011, le monde avait assisté avec dégoût au spectacle de hordes d’hommes qui, sur une place Tahrir en pleine révolution, poursuivaient des victimes seules et sans défense. Vêtements arrachés, attouchements, coups, la sauvagerie de ces mâles était allée jusqu’au viol collectif, dont avaient été aussi victimes des journalistes occidentales. En 2013, le rapport d’ONU Femmes avait révélé que 99,3 % des Égyptiennes avaient subi un harcèlement sexuel « sous quelque forme que ce soit ».

L’année suivante, les autorités se décident enfin à agir en adoptant une loi punissant ce comportement d’amendes et de peines de prison. Les hommes mis en cause retournent l’accusation, dénonçant la provocation d’un mollet trop apparent ou d’une chevelure exposée. Mais il se trouve que des femmes coiffées d’un hijab comme d’autres revêtant le voile intégral figurent aussi parmi les victimes.

Le silence des victimes encourage leurs bourreaux à la récidive.

Loin de militer contre le port du voile, qui s’est imposé dans la société égyptienne entre les années 1980 et 2000, Hadia Abdel Fattah revendique la liberté pour les femmes de s’habiller comme elles le souhaitent. Et les années 1960 – quand le raïs Gamal Abdel Nasser se gaussait en public des Frères musulmans qui lui demandaient d’obliger les femmes à se voiler – font figure aujourd’hui d’âge d’or quasi mythique. En marchant le 8 décembre dans les rues du centre-ville cairote et en posant pour l’objectif en robes des sixties, les militantes égyptiennes ont fait l’éloge d’une époque où les hommes savaient se comporter en gentlemen davantage qu’en voyous.

« Nombre de femmes sont devenues courageuses et ont commencé à comprendre qu’elles avaient le droit de s’habiller comme elles le souhaitaient, sans crainte. Les harceleurs sont ceux qui devraient avoir peur », témoigne Gehad Saad, le photographe qui a immortalisé l’opération. Mais les plus engagées des féministes rappellent aussi que le silence des victimes encourage leurs bourreaux à la récidive. Elles exhortent les femmes agressées à dépasser leur humiliation et à porter plainte, pour que la loi rappelle les harceleurs à la vraie morale.

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