Littérature : Frankenstein à Bagdad, la chronique d’un enfer

Bagdad en 2005, des scènes apocalyptiques déchirent la ville, anéantissant les vestiges d’un passé millénaire.

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Publié le 22 décembre 2016 Lecture : 1 minute.

Nous sommes deux ans après l’intervention américaine en Irak, un an avant la mort de Saddam Hussein. C’est dans ce cadre temporel que l’écrivain Ahmed Saadawi situe son récit d’épouvante, Frankenstein à Bagdad. Dans cette réadaptation du célèbre roman gothique de Mary Shelley, il livre une fable épique sur les ravages d’un monde devenu fou. L’ouvrage explore la capitale dans son intimité recluse : une ville malmenée par des fonctionnaires véreux, quadrillée par des patrouilles américaines, épuisée par le rythme des attentats. L’auteur peint un monde miné par l’angoisse de la mort, où rêves et superstitions sont convoqués pour oublier un quotidien sinistre.

Tous coupables

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Une ville en décomposition, donc, à l’image de son personnage principal, le Sans-Nom, une sculpture-cadavre fabriquée par un chiffonnier ivrogne. Révolté par les morts sans sépulture, Hadi Al Attag arpente les rues éventrées par les attentats pour ramasser des fragments de corps abandonnés. De l’assemblage monstrueux des lambeaux de chair humaine cousus surgit bientôt une créature animée par le désir de venger les innocents et les victimes meurtries…

Mais, lorsqu’elle tue un bourreau, une part d’elle-même se putréfie. Victimes et assassins se mêlent inextricablement sur son propre corps : « Il n’est pas d’innocent complètement pur ni d’assassin complètement abject. » Frankenstein à Bagdad est une épopée de l’impuissance, où personne n’a les mains propres. Pour Saadawi, le monstre est une forme d’incarnation de la société irakienne, où la violence perpétue la violence.

Cardiogramme d’un peuple que l’on dissèque, Frankenstein à Bagdad nous rappelle les grands romans du réalisme magique, où les territoires du réel côtoient ceux de l’imagination. Étoile montante de la scène littéraire arabe, Ahmed Saadawi a été, en 2014, le lauréat du Prix international du roman arabe.

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