Côte d’Ivoire : Mariatou Koné, « Madame cohésion sociale »
Chargée de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de l’Indemnisation des victimes, la ministre sait que retisser les liens entre les Ivoiriens prendra du temps. Et que c’est sur le terrain que ça se joue.
Une autre Côte d’Ivoire
Alors que la Côte d’Ivoire vient de changer de Constitution et de République, la voilà qui se dote d’un nouveau gouvernement. 2017 est pour le pays l’année de tous les défis. Jeune Afrique vous en donne un aperçu.
Nommée à la tête du Programme national de cohésion sociale (PNCS) en mai 2012, Mariatou Koné s’est vu confier, le 12 janvier 2016, l’inédit et délicat portefeuille de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de l’Indemnisation des victimes, créé pour « apaiser les cœurs, soulager les douleurs, réduire les frustrations, les rancœurs et les ressentiments », comme elle le confiait à Jeune Afrique en avril. Un travail complexe, difficile, qui se joue sur des cordes ultrasensibles, après plus d’une décennie de crises politico-militaires et alors que le tissu social est loin d’être réparé. Mais pour l’anthropologue, que l’on surnomme désormais « Madame Cohésion sociale », la mission n’est pas impossible.
Cursus
Originaire de Boundiali, dans le nord du pays, Mariatou Koné est l’aînée d’une famille de huit enfants. Elle a commencé son cursus primaire à Daoukro (Centre) en 1971 et effectué ses études secondaires à Korhogo (Nord) puis à Sassandra (Sud) pour les achever au lycée de Man (Ouest), où elle obtient en 1984 un baccalauréat A4. En 1988, elle décroche sa maîtrise de sociologie à l’université nationale d’Abidjan, à Cocody (qui deviendra ensuite l’université Félix-Houphouët-Boigny).
Grâce à une bourse du ministère de la Recherche scientifique, la jeune universitaire s’envole pour la France afin de poursuivre ses études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Marseille. En 1994, elle y soutient sa thèse de doctorat en anthropologie, qui lui ouvre les portes du département d’anthropologie et de sociologie de l’université de Cocody, dont elle intègre l’Institut d’ethnosociologie (IES) en 1995, en tant qu’enseignante-chercheuse. Premier professeur titulaire d’un doctorat d’anthropologie du pays, elle deviendra, en juin 2009, la première femme directrice de l’IES.
Un travail de terrain
Aux commandes du PNCS, Mariatou Koné et son équipe – dont Kouamé N’Guessan, l’un de ses plus proches collaborateurs, également professeur d’anthropologie – mesurent rapidement les réalités du terrain. Premier test à Angovia (Centre), en juillet 2013. Un conflit lié à l’orpaillage clandestin éclate entre autochtones et allogènes. La médiation de la directrice-coordinatrice du PNCS, appuyée par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), porte ses fruits. Les populations acceptent de se parler à nouveau.
Depuis, Mariatou Koné est sur tous les fronts, prônant la cohésion sociale. Pour y parvenir, elle bénéficie désormais du soutien d’Aïchatou Mindaoudou, chef de la mission onusienne, avec laquelle ses rapports sont excellents.
À son actif également, le retour sur le sol ivoirien, le 30 juin 2016, après cinq ans d’exil au Ghana, de trois faucons du Front populaire ivoirien (FPI) : Bertin Kadet, ex-ministre de la Défense ; Kacou Brou (alias KB), ex-commandant des Affaires maritimes ; et Watchard Kédjébo, figure de la Galaxie patriotique, qu’elle a elle-même accueillis à leur descente d’avion, en compagnie d’Alain Richard Donwahi, ministre auprès du président de la République chargé de la Défense. Un retour qui survient à la suite des missions d’information et de sensibilisation effectuées par Mariatou Koné au Liberia, du 3 au 6 mai, puis au Ghana, du 11 au 15 mai.
Réparation des dommages
Autre grand défi pour la ministre : l’indemnisation des victimes et la réparation des préjudices subis lors des crises survenues dans le pays. Officiellement lancée le 4 août 2015 à Abidjan, l’opération se poursuit dans toutes les régions. Le 20 novembre par exemple, l’anthropologue mettait le cap sur Bloléquin, localité de l’Ouest réputée favorable à Laurent Gbagbo, où 83 ayants droit de personnes tuées pendant la crise de 2010-2011 ont reçu une enveloppe globale de 83 millions de F CFA (environ 126 500 euros), soit 1 million de F CFA chacun.
Mariatou Koné en est parfaitement consciente, les chantiers de la réconciliation nationale sont loin d’être achevés et ne seront pas de tout repos. Mais, répétant que « l’unique parti politique, c’est la Côte d’Ivoire », elle reste déterminée à les mener jusqu’au bout.
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