Monde arabe : les jeunes « très anxieux sur leur avenir »

Depuis 2002, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) publie des rapports spécifiques sur le développement humain au Maghreb et au Moyen-Orient. Le dernier en date n’est pas pour rassurer. Décryptage.

Le chômage est la grande préoccupation de 36% des jeunes interrogés. © Christophe Ena/AP/SIPA

Le chômage est la grande préoccupation de 36% des jeunes interrogés. © Christophe Ena/AP/SIPA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 5 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

États faillis et disloqués, alertes aux massacres et à la guerre mondiale, vagues incontrôlables de réfugiés, explosion du terrorisme international… Le monde n’en finit plus de trembler des conséquences des révolutions arabes de 2011. Le pire est-il à venir ? Un graphique issu du dernier rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sur le monde arabe est une mise en garde en seize colonnes.

Le diagramme sur les « manifestations publiques en Afrique du Nord de 1996 à 2011 » fait apparaître que les révoltes de 2011 ont été le point culminant d’un cycle de contestation de quatre ans qui s’est répété trois fois depuis 1996 avec plus d’intensité (2001, 2006, 2011). Si cette logique se confirme, 2017 pourrait voir une explosion sociale peut-être plus violente que les dernières dans le monde arabe.

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Focus sur la jeunesse

Depuis 2002, l’agence onusienne publie des rapports spécifiques sur le développement humain arabe. Pour son sixième opus, elle a voulu placer la jeunesse au cœur de l’étude, inspirée par son rôle fondamental dans les événements de 2011. Élaborées avec cinq ans de recul par une très large majorité d’auteurs arabes, ces 274 pages publiées à la fin de novembre sont pessimistes et ne ménagent pas leurs critiques des systèmes en place.

À l’aube de 2017, « les jeunes sont très anxieux sur leur avenir et paralysés par un sentiment intrinsèque de discrimination et d’exclusion » dont les pouvoirs publics sont tenus pour premiers responsables. Leur négligence à répondre aux besoins de la jeunesse et les politiques qui aboutissent à la marginaliser ont « cimenté un sentiment d’amertume et provoqué le ressentiment ». Les moins de 30 ans forment pourtant le tiers d’une population arabe qui atteindra 604 millions d’habitants en 2050, contre 350 millions en 2010.

Des richesses mal distribuées

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Les révolutions de 2011 ont été l’expression directe de ces frustrations, mais, cinq ans plus tard, peu de choses ont été accomplies pour répondre durablement aux revendications de l’époque. La redistribution d’une manne pétrolière instable dans le Golfe et en Algérie et le retour à une forme de stabilité autoritaire en Égypte n’ont apporté que des solutions provisoires. Les modèles de développement centrés sur l’État, qui privilégient l’emploi dans le secteur public ou encore les subventions aux denrées de base, permettent de combattre la pauvreté, mais sont des investissements perdus.

Les politiques de libéralisation engagées ces trois dernières décennies n’ont profité qu’aux oligarchies liées aux pouvoirs. En Libye, au Yémen, en Syrie et en Irak, l’état de guerre qui s’aggrave pousse la jeunesse vers les extrêmes, même si son rejet de Daesh est massif dans toute la zone. Le monde arabe a beau représenter 5% de la population mondiale, il concentre les violences.

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« Pente descendante » 

Un autre diagramme éloquent illustre cette spirale du déclin : il compare, sur trois décennies, l’évolution de l’Indice du développement humain (IDH) de six grandes zones de la planète. Le monde arabe est la seule région à suivre avec constance la pente descendante. Une jeunesse « mieux instruite, en meilleure santé et mieux connectée au monde » que les générations précédentes (l’utilisation d’internet y est supérieure à la moyenne des pays en développement), mais marginalisée, bâillonnée et entravée sur le chemin de l’emploi.

Refonte des structures macroéconomiques, révolutions dans la santé, l’enseignement et le marché de l’emploi, mise en œuvre de profondes réformes politiques : le traitement prescrit est lourd. « Au lieu de constituer un potentiel énorme pour bâtir l’avenir, cette jeunesse peut devenir une puissance de destruction irrépressible », avertit le Pnud.

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