Prospective 2017 : l’année sera chaude
Dans un an, Joseph Kabila sera-t‑il toujours au pouvoir en RD Congo ? La Gambie se sera-t‑elle enfin dotée d’un nouveau président en la personne d’Adama Barrow ? La Libye aura-t‑elle réussi la synthèse entre les partisans de Tripoli et ceux de Tobrouk ? Tour d’horizon des dossiers qui rythmeront 2017.
L’année 2017 commence là où 2016 s’achève : par le ventre mou du continent, sa gâchette et son détonateur, l’immense et imprévisible République démocratique du Congo. Non seulement ce pays n’a jamais connu d’alternance démocratique au sommet mais les passations de pouvoir s’y sont toujours déroulées de façon chaotique, dans le bruit et la fureur. Coup d’État en 1965, lorsque Mobutu renverse Kasa-Vubu. Rébellion armée en 1997, quand Mobutu est chassé par Kabila père. Assassinat de ce dernier en 2001, Kabila fils succédant à son géniteur, abattu par l’un de ses propres gardes du corps.
Profondes incertitudes en RD Congo
Quel scénario présidera, en 2017 ou 2018, au départ à la fois programmé et indéfini du quatrième chef de l’État congolais ? Kasa-Vubu était resté un peu plus de cinq ans au pouvoir, Mobutu un peu plus de trente et un, Laurent-Désiré Kabila trois ans et huit mois. Cela fera seize ans, le 17 janvier, que celui qui accéda au pouvoir « comme une balle de ping-pong sur un jet d’eau », avant de s’y maintenir trois quinquennats durant (et après deux élections), aura exercé la fonction suprême. Y sera-t‑il toujours, au pouvoir, en ce jour anniversaire ? C’est probable.
À l’heure où ces lignes sont écrites, le seul synopsis disponible en effet est celui d’un bras de fer inégal, incertain et illimité entre une opposition multicéphale et un régime solidement retranché – tout au moins tant qu’il contrôle l’usage de la force –, le tout sur fond d’ingérence chronique de la communauté internationale. Remake des derniers soupirs du règne de Mobutu, la rébellion en moins mais les réseaux sociaux et les mouvements de société civile en plus ? 1997-2017 : vingt ans plus tard, l’Histoire bégaie, mais nul ne sait encore de quoi elle accouchera.
Burundi, un climat de plus en plus tendu
Frontaliers de ce pays-continent, trois points chauds seront à surveiller en cette année 2017. Le Burundi tout d’abord, où Pierre Nkurunziza a, si l’on peut dire, réussi le passage au forceps de son troisième mandat. Un certain ordre règne à Bujumbura et sur les collines, mais à quel prix !
Quadrillage du territoire, arrestations, disparitions, tensions avec le voisin rwandais, isolement économique, radicalisation d’une opposition de plus en plus tentée par la violence armée, climat général de psychose… Nkurunziza a un objectif : demeurer en place jusqu’aux prochaines élections, en 2020. S’il y parvient, dans quel état seront le Burundi et les Burundais ?
Et où en sera la Centrafrique, fin 2017 ? Là où les milices font régner leur loi, c’est‑à-dire sur les trois quarts du territoire, il n’y a ni désarmement, ni démobilisation, ni réintégration, ce fameux DDR après lequel courent tous les pays en situation de postconflit. Pour l’instant, le président Touadéra est plus le gouverneur de Bangui que le chef de cet État désespérément failli. Seule éclaircie, fin 2016, le succès de la conférence des donateurs : 3 milliards d’euros de promesses d’aide.
La Cedeao testée en Gambie
Une aide dont aurait tout aussi besoin le Soudan du Sud, qui, depuis son indépendance en 2011, n’a connu que deux années de paix. Réfugié en Afrique du Sud après avoir fui Djouba, le vice-président, Riek Machar, tente d’attiser à distance sa rébellion contre le président, Salva Kiir. Mais ce chef de guerre dont personne, hors de son fief, ne veut et que les Américains traitent en paria pourrait bien ne pas survivre politiquement à 2017.
Au cours des semaines à venir, la Gambie sera observée comme le lait sur le feu. Si prévoir le comportement du chef de l’État sortant (et battu), Yahya Jammeh, accroché à son fauteuil, est impossible tant son cas semble relever du paranormal, la crise gambienne fournira le test décisif de la capacité de la Cedeao à résoudre un défi à sa portée : amener à résipiscence le dernier des despotes d’Afrique de l’Ouest et installer au pouvoir Adama Barrow, le vainqueur de la présidentielle du 1er décembre.
Pour la communauté ouest-africaine, il s’agira de redorer un blason passablement terni par son incapacité à prendre en charge une autre crise, majeure : celle qui sévit au Mali. La France et l’ONU assument depuis la sécurité du pays, même si la persistance de l’activité meurtrière des groupes jihadistes tout au long de l’année 2016 démontre qu’elles n’y sont parvenues que de façon pelliculaire. C’est sur le terrain de la stabilité, de la réconciliation et de la paix sociale que se jouera en 2017 la réélection éventuelle, l’année suivante, d’Ibrahim Boubacar Keïta.
En Ethiopie, la colère oromo
Moment crucial également pour l’Éthiopie, dont l’image de success-story de la Corne de l’Afrique, méritée au demeurant, a été passablement brouillée, en 2016, par l’éruption des colères oromo et amhara. À elles deux, ces communautés représentent 65 % de la population éthiopienne, et l’intifada antiautoritaire, de type Printemps arabe, dont les régions Centre et Ouest ont été le théâtre parfois sanglant a ébranlé un pouvoir largement concentré entre les mains de la minorité tigréenne.
Décrété en octobre, l’état d’urgence, géré au millimètre par un pouvoir aussi militarisé qu’organisé, a depuis ramené le calme. Le temps pour le Premier ministre, Haïlemariam Desalegn, d’ouvrir le chantier des réformes et des indispensables concessions, au bénéfice d’une jeunesse à la fois hyperconnectée à l’économie-monde, tenue à l’écart du champ politique et avide de démocratie ? 2017 tranchera.
Année décisive aussi pour la Libye, la reprise de Syrte par les milices après six mois de durs combats contre les jihadistes de Daesh n’ayant en rien réglé le fond du problème. L’ancien terrain de chasse de Kadhafi est déchiré entre un gouvernement impotent, celui que dirige à Tripoli le Premier ministre Fayez al-Sarraj, et un Parlement sous influence, celui de Tobrouk.
Le désormais maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle ce dernier, devrait voir son poids sur l’échiquier s’accroître encore en 2017, au point de devenir incontournable. Faucon militariste ambitieux, obsédé par l’éradication des Frères musulmans de Libye, Haftar a un mentor, l’Égyptien Sissi, et quelques alliés d’envergure, dont la Russie et, plus récemment, l’Algérie.
L’environnement géopolitique global, avec l’accession à la Maison‑Blanche de Donald Trump, joue en sa faveur. Pour lui aussi, l’année qui s’ouvre sera celle de toutes les audaces et de tous les dangers.
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