Zimbabwe : Robert Mugabe à la vie, à la mort
Malgré la crise que traverse le Zimbabwe, le plus vieux chef d’État du monde sera de nouveau candidat à la présidentielle de 2018.
Robert Mugabe est un recordman mondial. Depuis que l’Israélien Shimon Peres a mis fin à sa carrière politique, en 2014, le président zimbabwéen, âgé aujourd’hui de 92 ans, est le plus vieux chef d’État en exercice au monde. Mais cela n’a pas suffi à calmer l’ambition du personnage. Lors du congrès annuel de l’Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF, au pouvoir), à Masvingo, du 13 au 17 décembre, il a été de nouveau investi pour la présidentielle de 2018.
« Président à vie »
S’il remporte cette élection (et s’il survit jusque-là), « Camarade Bob » pourrait donc rester au pouvoir jusqu’à ses… 99 ans. Aux yeux de la ligue des jeunes de son parti, ce n’est pas encore assez : elle a carrément proposé de lui conférer un statut de président à vie. « Mugabe doit diriger pour l’éternité », ont entonné ses partisans.
La situation du pays ne plaide pourtant pas pour la continuité. En juillet et août, le gouvernement a dû faire face à une contestation inédite. Celle-ci était notamment menée, via les réseaux sociaux, par le pasteur Evan Mawarire, qui a depuis dû s’exiler. Parallèlement, l’économie zimbabwéenne replonge dans ses travers du début des années 2000 : le pays est entré cette année dans une récession qui devrait s’accentuer en 2017 (le FMI prévoit un recul de 2,5 % du PIB) et est confronté à une pénurie de cash.
Les dollars américains se font rares, et le dollar zimbabwéen n’existe plus depuis 2009. Cette monnaie, devenue sans valeur du fait de l’hyperinflation, a dû être abandonnée. Pour faire face à la situation et permettre les transactions, le gouvernement imprime depuis novembre des titres obligataires (« bond notes »), qui ressemblent furieusement à une nouvelle monnaie de singe. Ils sont théoriquement alignés sur le dollar américain, mais, déjà, de nombreux Zimbabwéens s’en débarrassent à prix bradé sur le marché noir.
Une opposition divisée
Au pouvoir depuis 1980, Robert Mugabe a toutefois connu bien d’autres défis. L’ancien héros de l’indépendance est devenu un despote affaibli par la maladie, mais il n’a rien perdu de son habileté tactique. Il continue d’appliquer méthodiquement la recette qui lui a toujours permis de garder le dessus sur ses rivaux : diviser pour régner.
L’opposition est sortie lessivée, morcelée et en partie discréditée de sa cohabitation avec lui (2009-2013). Dans son propre parti, le vice-président et dauphin constitutionnel, Emmerson Mnangagwa, surnommé « le crocodile », attend son heure. À 70 ans, ce vieux compagnon de route, disposant de relais dans l’armée, hériterait du pouvoir jusqu’au prochain scrutin si le président venait à disparaître. Face à lui, la première dame, Grace Mugabe, entourée d’ambitieux quadras du parti, se dresse de plus en plus ouvertement.
Robert Mugabe avait facilité son émergence pour qu’elle le débarrasse de l’ancienne vice-présidente, Joice Mujuru, finalement exclue du parti en 2015 – Camarade Bob n’a jamais toléré qu’on lui fasse de l’ombre. Depuis, Grace Mugabe est devenue un contrepoids utile au sein du camp présidentiel.
Le chef de l’État laisse les deux clans s’écharper, quand il n’attise pas lui-même les rivalités en sous-main. Elles lui ont permis de se poser en rassembleur lors de son congrès. « Nous sommes convenus de mettre un terme à nos différends et à nos divisions », a-t-il lancé, allant jusqu’à dénoncer « l’ambition éhontée et débridée de ceux qui font complètement fi des autres ». Et ce n’était pas de lui qu’il parlait.
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