Gabon : Jean Ping ne renonce pas
Alors qu’Ali Bongo Ondimba a tourné la page de la présidentielle et occupe le terrain dans le pays comme à l’étranger, son challenger poursuit son combat et se tourne vers la Cour pénale internationale.
Quatre mois après sa défaite officielle à la présidentielle du 27 août, Jean Ping ne s’avoue pas vaincu. Fort de la vague populaire qui l’a porté en août et du tout récent rapport des observateurs de l’Union européenne (UE) qui « met en question l’intégrité » de la victoire d’Ali Bongo Ondimba, le chef de l’opposition s’accroche et hausse le ton.
Le 15 décembre, ses avocats – Me Altit en tête – ont déposé devant la Cour pénale internationale (CPI) un dossier accusant le pouvoir gabonais d’avoir commis, le 31 août à Libreville, un « crime contre l’humanité » lors de l’assaut meurtrier des forces de sécurité contre le QG de l’opposition.
Et le 19 décembre à Libreville, à l’ouverture des travaux du Dialogue national pour l’alternance (DNA) – un forum regroupant opposition, syndicats et société civile –, Jean Ping a lancé : « Nous sommes parvenus au terme de notre démarche de légalité républicaine. Désormais, tout peut être envisagé. » Aussitôt, le ministre gabonais de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha, a dénoncé « l’inclinaison à la haine et à la violence » chez certains acteurs politiques.
Un pays devenu ingouvernable
Pourquoi ce durcissement ? Après la validation des résultats provisoires par la Cour constitutionnelle, le 24 septembre, Jean Ping a parié sur un blocage du pays qui forcerait ABO à céder. « Le Gabon est ingouvernable, rien ne s’y passe : les écoles sont fermées, les grèves sont là, dans le pétrole, dans l’enseignement, a-t-il déclaré. Regardez ce qui se passe au Venezuela : le pouvoir du président Maduro a tout verrouillé. Mais que fait l’opposition ? Ils sont dans une situation de rapport de force. Et vous verrez que les Gabonais lisent et écoutent. »
En vieux routier de la politique, Jean Ping était conscient que la fenêtre de mobilisation était étroite. Le 9 novembre, au journaliste du Monde qui l’interrogeait sur ses attentes quant à un changement de majorité en France, il a répondu qu’il serait alors « trop tard ». Pour lui, c’est maintenant que tout se joue : « Imaginons qu’Ali soit encore là dans six mois, la droite ne pourra pas faire grand-chose », a-t-il expliqué.
Garder l’opposition mobilisée, un réel défi
Le problème, pour le numéro un de l’opposition, c’est qu’au moment des fêtes de fin d’année ABO occupe toujours le Palais du bord de mer. « Le pays fonctionne au ralenti, mais il fonctionne, regrette l’un des acteurs de l’opposition gabonaise. Les Gabonais ne sont pas les Zaïrois ou les Tunisiens. Le 31 août, j’ai été surpris par leur capacité de mobilisation. Mais, d’habitude, ils n’aiment pas ruer dans les brancards. Et aujourd’hui Ali parie sur la peur et sur une certaine lassitude. Le temps joue pour lui. »
Les contestataires craignent en outre que les Gabonais, passionnés de football, ne passent à autre chose le 14 janvier, à cause de la Coupe d’Afrique des nations, qui se jouera justement au Gabon. Si Jean Ping durcit le ton aujourd’hui, c’est donc pour remobiliser ses troupes et resserrer les rangs.
Pour l’heure, ABO n’arrive pas à diviser véritablement l’opposition. Plus de quatre mois après leur ralliement à Ping, Casimir Oyé Mba, Guy Nzouba-Ndama et Léon-Paul Ngoulakia, entre autres, lui restent fidèles, ce qui constitue un capital précieux.
Sanctions ou dialogue sous médiation ?
Jean Ping pourra-t-il compter, comme il l’espère, sur d’éventuelles sanctions de l’UE contre les cadres du régime actuel ? « Regardez la RD Congo ou le Burundi. Ce ne sont pas les sanctions qui font tomber un chef d’État », maugrée l’opposant gabonais cité plus haut. Un dialogue pouvoir-opposition permettrait-il des élections transparentes et une victoire de l’opposition lors des législatives de juillet 2017 ?
Pour l’instant, Jean Ping refuse tout contact avec Ali. Mais, dans son entourage, certains, comme Casimir Oyé Mba, préconisent des discussions sous médiation africaine. Oyé Mba précise toutefois que « si la commission électorale et la Cour constitutionnelle restent aux mains des mêmes personnes, ce dialogue sera inutile ».
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