Sommet Afrique – France : le bilan, c’est maintenant

L’événement se tient les 13 et 14 janvier dans la capitale malienne. L’occasion de dresser l’inventaire des actions menées en matière de sécurité et de développement. Et l’heure, pour le président français, de faire ses adieux à ses pairs africains.

Abraham vit à Bamako © Robin Taylor/Flickr/ Creative Commons

Abraham vit à Bamako © Robin Taylor/Flickr/ Creative Commons

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 13 janvier 2017 Lecture : 5 minutes.

Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement sont présents à Bamako pour le 27e sommet Afrique-France, les 13 et 14 janvier. © Sommet Afrique France
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Afrique – France : quel avenir ?

Le sommet – le dernier de François Hollande – qui se tenait à Bamako les 13 et 14 janvier est l’occasion d’établir l’état des lieux des relations entre Paris et le continent. Mais aussi d’envisager leur évolution.

Sommaire

Le vingt-septième sommet Afrique-France a lieu dans un contexte inédit. En effet, la décision de François Hollande de ne pas se présenter à l’élection présidentielle française du printemps 2017 rend aléatoire l’élaboration de projets concrets.

Le prochain hôte de l’Élysée changera inévitablement les règles complexes des partenariats franco-africains, et les chefs d’État et de gouvernements qui ont accepté de se retrouver à Bamako risquent de ne pas savoir sur quel pied danser.

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L’événement devrait donc être d’abord consacré au bilan des actions et des réformes lancées depuis le sommet de Paris en 2013, et à la redite des actions engagées qui sont mesurables et appréciables. Même si elles restent bien éloignées, en matière d’échelle, des gigantesques besoins africains.

En 2013, dans une atmosphère de crise, trois dossiers majeurs avaient pu être abordés : la sécurité, le développement, et le réchauffement climatique. Soucieux de l’image qu’il laissera à la postérité, François Hollande entend faire valoir les progrès qu’il a personnellement apportés sur ces différentes thématiques.

Une réelle prise en compte des enjeux climatiques

Désormais, la politique d’aide de la France mêle inextricablement climat et développement. Lors de la COP21, en décembre 2015, Paris a épousé la demande africaine de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C et a fait en sorte que se concrétisent les promesses de fonds formulées par les pays riches à Copenhague pour parvenir à ce résultat.

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Malgré les réticences du ministère des Finances, François Hollande a ainsi voulu que l’Agence française de développement voie ses capacités de financement augmentées de moitié grâce à une forte hausse de ses fonds propres. Il a aussi fait en sorte que soit mise en œuvre et augmentée la taxe sur les transactions financières, dont la moitié est affectée au développement.

Ce qui veut dire que l’Afrique peut espérer chaque année recevoir de la France, à partir de 2020, plus de 6 milliards d’euros, contre 4 milliards aujourd’hui, dont la moitié sera consacrée à des projets limitant le réchauffement climatique. C’est ainsi que 2 milliards d’euros seront dépensés, avant la fin de la présente décennie, pour doter le continent de 2 gigawatts d’électricité supplémentaires grâce à des techniques de production renouvelable, de la géothermie au solaire, en passant par l’hydraulique, l’éolien ou la biomasse.

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La lutte contre l’insécurité au programme

Vu de l’Élysée, les promesses en matière de sécurité avancées lors du sommet de 2013 ont également été tenues. Ce ne sont pas 20 000 soldats africains qui sont formés chaque année mais 25 000, afin que le continent assure sa propre sécurité. Comme c’est le cas contre Boko Haram.

La différence est grande avec la période précédente, où l’on se souciait moins du respect du droit international. Les interventions au Mali et en RCA ont été conduites, en 2013, avec l’aval des Nations unies comme de l’Union africaine, et avec le concours de troupes africaines. En 2011, ni l’ONU ni l’UA n’avaient accepté de participer aux opérations ivoirienne et libyenne.

Certes, ce n’est pas encore la paix, mais l’insécurité a reculé. Le quasi-califat qui prospérait au nord du Mali a été détruit. Les chefs rebelles ont accepté de se rendre à Bamako. Des troubles persistent, mais surtout en raison du regain de la question peule et d’une dissémination des armes dans tout le Sahel.

Autour du lac Tchad, Boko Haram n’a plus de sanctuaire, même si la violence des affrontements entre éleveurs et cultivateurs s’y est accrue. Le président français s’est personnellement investi pour que le Nigeria et le Cameroun se réconcilient et forment un front commun face au terrorisme. En Centrafrique, il n’y a plus de massacres inter-ethniques, mais les pillards pullulent toujours.

Un bilan sécuritaire en demi-teinte donc. Il est vrai que tirer des dizaines de millions de Sahéliens de l’extrême misère, qui alimente les frustrations et pousse les jeunes au terrorisme, ne peut se faire en trois ans ni même en dix. Le temps du développement est infiniment plus long que celui du maintien de l’ordre.

Libre arbitre

Nombreux sont ceux qui, en France comme en Afrique, font grief à François Hollande de n’avoir pas fait respecter les règles de la démocratie et de la bonne gouvernance dans la zone francophone. Là encore, le goût du compromis, de la « normalité », et le refus de renouer avec les pratiques de la « Françafrique », l’ont cantonné dans une « posture de conseil et d’avertissement », comme au Burkina Faso, ou dans l’expression de « doutes » lors de l’élection présidentielle gabonaise.

L’Afrique dispose de nombreux atouts, mais ne réussira son émergence qu’en répondant aux attentes de sa jeunesse en matière d’emplois et de gouvernance.

Pas question d’organiser une opération militaire pour empêcher tel chef d’État de modifier la Constitution en sa faveur ou pour imposer un résultat électoral. Surtout ne pas se poser en donneur de leçons ! François Hollande préfère insister sur les pays qui respectent la limitation à deux mandats présidentiels et sur les alternances pacifiques en Afrique de l’Ouest : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Nigeria, le Sénégal. Sans s’attarder sur l’Afrique centrale…

Le futur africain lui échappe désormais. Au-delà de son bilan, que va-t-il dire en guise d’adieu à ses pairs du continent ? L’Afrique dispose de nombreux atouts, mais ne réussira son émergence qu’en répondant aux attentes de sa jeunesse en matière d’emplois et de gouvernance. François Hollande connaît les bombes démographiques que recèle le continent. Il sait qu’il faut créer des dizaines de millions d’emplois formels pour éviter les tsunamis migratoires et la tentation du terrorisme. Il a vu les Printemps arabes tourner court.

Aussi, à Bamako, devrait-il se contenter de semer des petits cailloux sous forme de questions, pour aider son successeur et ses interlocuteurs africains à emprunter les bons chemins : Comment développer la formation professionnelle ? Comment favoriser la multiplication des entreprises, en commençant par les PME ? Comment mobiliser les diasporas africaines ? Comment intégrer le numérique, notamment dans l’enseignement ?

Il n’y aura pas la moindre « recette hollandaise » à appliquer, mais une invitation – ô combien modeste – à réfléchir ensemble sur ce qui sera bon pour l’Afrique et pour la planète.

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