Maroc : comment Hamid Chabat s’est disqualifié

En provoquant une crise diplomatique avec la Mauritanie, qui a valu à sa formation d’être écartée du futur gouvernement, le secrétaire général de l’Istiqlal a définitivement perdu toute crédibilité.

L’ex-syndicaliste a dû courber l’échine pour sauver son fauteuil. Provisoirement. © alexandre dupeyron pour ja

L’ex-syndicaliste a dû courber l’échine pour sauver son fauteuil. Provisoirement. © alexandre dupeyron pour ja

fahhd iraqi

Publié le 20 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

«C’est le propriétaire d’une ferme qui a commencé par interdire à son coq de chanter à l’aube. Dans un deuxième temps, il est revenu lui demander de crételer avec les poules. Un mois plus tard, le fermier est de retour pour sommer cette fois le coq de pondre des œufs… » Cette fable champêtre est l’une des saillies improvisées du discours assez aseptisé de Hamid Chabat devant le conseil national extraordinaire de l’Istiqlal, le 31 décembre, à Rabat.

Une métaphore qui résume à merveille la carrière politique de ce syndicaliste de base devenu « premier ministrable » et ses rapports avec le pouvoir. Car, ce jour-là, Chabat faisait justement moins le coq. Et a même dû courber l’échine pour sauver son fauteuil de secrétaire général, pour quelques mois encore, le temps de s’assurer une sortie par le haut.

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La bourde de trop…

« L’ère du “chabatisme” au sein de l’Istiqlal est définitivement révolue. La stratégie populiste du secrétaire général ne convient plus au parti », assure l’un des istiqlaliens dissidents. Et ils sont nombreux. La veille de cette réunion du parlement du parti, une pétition signée par trente-huit membres ou anciens membres du comité central demandait la démission du secrétaire général, estimant qu’il avait démontré qu’il n’était « ni qualifié ni capable de poursuivre sa responsabilité à la tête du secrétariat général de l’Istiqlal ».

Et pour cause, la langue de Chabat a de nouveau fourché : lors d’une réunion avec l’aile syndicale du parti, il s’est lancé dans un discours ultranationaliste, allant jusqu’à qualifier la Mauritanie de « terre historiquement marocaine ». Des propos qui ont provoqué une crise diplomatique avec Nouakchott, au point que Mohammed VI a dû intervenir pour désamorcer la crise.

Excuses

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Dans un premier temps, Chabat, qui a su mettre au pas les cadors du parti au cours des dernières années, ne s’est pas démonté. Au communiqué du ministère des Affaires étrangères qualifiant ces propos d’« irresponsables », l’Istiqlal a répondu « qu’il n’avait pas de leçons à recevoir ». Mais l’intervention directe du Palais, vu l’ampleur de la crise diplomatique, a décimé les rangs istiqlaliens. Les principales figures du parti ont ainsi désavoué leur chef de file, quitte à se désolidariser d’un communiqué qu’ils avaient initialement signé.

Chabat a dû raser les murs pour se maintenir. La veille de son conseil national, le parti a ainsi présenté officiellement ses excuses à la Mauritanie via un éditorial de son journal, Al-Alam. Chabat s’est aussi résigné à déléguer une partie de ses prérogatives de secrétaire général à une commission en attendant le prochain congrès du parti, prévu en mars.

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Et il a même annoncé qu’il soutiendrait son principal rival à la tête du mouvement, Abdelouahed El Fassi, sans déclarer pour autant qu’il renonçait à briguer un nouveau mandat. « C’est toute la roublardise de Chabat, explique un ancien de sa garde rapprochée. Il peut promettre tout et son contraire. D’ailleurs, la commission censée reprendre ses prérogatives de secrétaire général est composée exclusivement de ses fidèles lieutenants. »

C’est dire si Chabat nourrit toujours l’espoir de se maintenir à la tête de l’Istiqlal. Mais s’il y a une chose à laquelle il a définitivement renoncé, c’est de figurer dans le prochain gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane, du Parti de la justice et du développement (PJD). Devant ses partisans, il a annoncé qu’il ne briguerait pas de portefeuille ministériel et a même délégué les négociations avec le PJD à une commission du parti de « manière à barrer la route à ceux qui ne veulent pas nous voir dedans ».

Mieux, le communiqué de l’Istiqlal à l’issue du conseil affirme que le parti soutiendra le gouvernement, même s’il n’y compte aucun ministre. Une voie de sortie inespérée pour Benkirane, dont la volonté d’associer l’Istiqlal à l’exécutif bloquait la formation d’une majorité, en alliance avec le Rassemblement national des indépendants (RNI). Pour la première fois depuis 1998, le plus vieux parti du Maroc se retrouve ainsi écarté des affaires. « Une prouesse qu’on ne pardonnera jamais à Chabat », promet un militant du parti.

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