RD Congo : Mgr Utembi plus fort que Kodjo
Grand artisan des pourparlers directs, l’archevêque de Kisangani, Mgr Marcel Utembi, n’en est pas à son coup d’essai.
RD Congo : un nouveau départ
Le président Joseph Kabila et les principaux leaders de l’opposition sont parvenus à un accord inédit, mais fragile, pour organiser les élections d’ici à la fin de 2017. Qui ne résout pas les problèmes, tant s’en faut.
«Avec des moyens financiers inférieurs, Mgr Marcel Utembi vient de réussir là où Edem Kodjo avait échoué : il a arraché un accord entre le président Joseph Kabila et l’opposant historique Étienne Tshisekedi. C’est un sacré exploit ! » Ces compliments d’un diplomate occidental basé à Kinshasa s’ajoutent à ceux, nombreux, que le président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a reçus la semaine dernière à Kinshasa.
« Ce n’était pas évident, confie Mgr Utembi, 58 ans. Nous savions par où commencer, mais nous ne savions pas comment allaient se terminer ces pourparlers directs [ouverts le 8 décembre]. » Après d’âpres tractations, la majorité présidentielle (MP) et le Rassemblement de l’opposition, principal regroupement de celle-ci en RD Congo, ont conclu le 31 décembre 2016 un compromis sous l’égide de la Cenco.
Mais « le défi n’est pas complètement relevé », tempère aussitôt Mgr Utembi. « Il faut que les acteurs politiques s’engagent dans la mise en œuvre des résolutions de cet accord », souligne celui qui a été porté à la tête de la Conférence il y a six mois.
Un médiateur né
Mgr Utembi connaît son sujet, ce n’est pas la première médiation qu’il mène. En 2003, alors évêque de Mahagi-Nioka, ses bons offices avaient déjà été employés à régler pacifiquement le conflit interethnique sanglant entre les Hemas et les Lendus en Ituri, sa province d’origine (il est ndo par son père et de culture alur par sa mère).
Il avait alors joué un « rôle actif » pour rapprocher et réconcilier les chefs coutumiers et les seigneurs de guerre de chaque communauté, y compris Thomas Lubanga, condamné depuis à quatorze ans de prison par la CPI. « C’est sans doute cette expérience qui m’a préparé à affronter le grand défi de la médiation en cours à Kinshasa », suppose Mgr Utembi.
rassembleur. Partout où il est passé, ce prêtre aux « trente-trois ans de vie pastorale » a laissé l’image de « quelqu’un d’ouvert au dialogue et de rassembleur », commente l’abbé Joseph Mola, qui a travaillé à ses côtés ces cinq dernières années à Isangi, dans l’ex-Province orientale. Issu d’une famille modeste – père maçon et mère ménagère –, Mgr Utembi a gravi un à un les échelons de l’Église dans le pays.
De Mahagi, petite cité de l’Ituri, à la Cenco, en passant par l’archidiocèse de Kisangani, où il a succédé en 2009 à Laurent Monsengwo Pasinya, ancien président de la même Cenco. Utembi marcherait-il sur les traces du cardinal ? « C’est la providence qui en a décidé ainsi », se contente-t-il d’avancer, amusé.
Monsengwo en coulisses
Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, proche collaborateur du pape François, a pesé de tout son poids pour la conclusion de l’accord « global et inclusif du centre interdiocésain de Kinshasa ». Son entourage assure que le prélat, réputé très hostile au pouvoir en place, était régulièrement consulté par les évêques qui menaient la médiation.
Et lorsque la machine a failli dérailler à cause de différents blocages et après la répression sanglante des manifestations des 19 et 20 décembre 2016, c’est lui qui a tiré la sonnette d’alarme. Qui oubliera cette homélie de Noël aux accents de dernier avertissement envoyé au régime de Kinshasa ?
« Le fait de prendre le pouvoir par les armes ne justifie pas qu’on ne puisse le quitter que par les armes », avait-il lancé à l’intention de Joseph Kabila. Six jours plus tard, le texte était signé. T.K.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles