Croissance mondiale : nous allons entrer dans une zone de turbulences

Nous ne le savions pas, mais il se passe toujours quelque chose au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

En 2017, le prix du baril de pétrole pourra-t-il se maintenir à son niveau actuel ? © Antonin Borgeaud pour Jeune Afrique

En 2017, le prix du baril de pétrole pourra-t-il se maintenir à son niveau actuel ? © Antonin Borgeaud pour Jeune Afrique

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Publié le 12 janvier 2017 Lecture : 4 minutes.

Il y a quelques jours, le Ghana a investi, en la personne de Nana Akufo-Addo (72 ans), son nouveau président, démocratiquement élu avec 54 % des voix.

Une vraie alternance ! Un chef de l’État de centre droit, dont c’est la troisième tentative, succède à John Mahama, qui n’a pas réussi, car il laisse un pays endetté, au budget déséquilibré, où sévissent corruption et inflation.

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À partir de lundi et pour au moins deux semaines, on ne parlera que de la bonne manière de se débarrasser de Yahya Jammeh.

Après avoir régné d’une main de fer vingt-deux années durant sur la Gambie, il a été, de son propre aveu, battu le 1er décembre 2016. Mais refuse de s’incliner devant le verdict des urnes.

Faudra-t-il que la Cedeao charge l’armée sénégalaise de faire le ménage chez son voisin gambien ?

S’il n’y a pas d’autre solution, on devra s’y résoudre.

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Mais nous sommes au début d’une nouvelle année, et les tribulations de la démocratie en Afrique de l’Ouest, ses hauts et ses bas, ne sont, à l’échelle du monde, qu’un épiphénomène.

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Je vous propose donc un horizon plus large : le chemin accompli par l’humanité depuis soixante-dix ans.

Les chiffres rassemblés et cités par mon confrère Martin Wolf du Financial Times sont impressionnants. La croissance mondiale ne progresse continûment, au rythme moyen de 2 % à 3 % l’an, que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, la production de richesses était inégale et très mal répartie.

C’est durant les soixante-dix dernières années, sous l’effet de deux facteurs, l’innovation et le rattrapage (accompli par la plupart des pays de l’ex-Tiers Monde devenus « émergents »), que le progrès économique et social est devenu régulier et, pour la première fois, planétaire.

L’exemple de la Chine est le plus spectaculaire. Entre 1978 et 2015, le revenu annuel moyen d’un Chinois a été multiplié par vingt-trois : il est donc aujourd’hui vingt-trois fois plus important qu’il y a trente-sept ans.

Du jamais-vu !

Mais il ne représente encore aujourd’hui que le quart de celui d’un Américain et la moitié de celui d’un Portugais : la Chine a donc encore une marge de progression considérable.

Celles d’un Indien et d’un Africain sont encore plus grandes, puisque leur revenu moyen est encore, en dépit des progrès accomplis, inférieur à 10 % de celui d’un Américain.

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L’extrême pauvreté qui a accompagné l’humanité depuis qu’elle existe – et, avec elle, l’analphabétisme – est en voie de disparition, comme le montre éloquemment le graphique ci-dessous : 1 milliard d’hommes, de femmes et d’enfants ont quitté cette condition depuis 1990, dont 100 millions pour les seules années 2012 et 2013.

 © Source : banque mondiale

© Source : banque mondiale

Les experts sont unanimes à prévoir que ce mouvement ira s’accentuant.

Il s’agit en effet d’une tendance lourde qui va dans le sens de l’Histoire.

Les États-Unis, le monde occidental et, plus largement, les pays développés demeurent immensément riches et puissants. Mais leur domination économique régresse lentement, comme le montrent les indicateurs du Fonds monétaire international (FMI).

Leur part dans la production mondiale (en parité de pouvoir d’achat), qui était de 64 % en 1990, il y a vingt-cinq ans, ne sera plus que de 39 % en 2020 : elle aura donc baissé de moitié en une seule génération.

Celle des États-Unis, elle, aura reculé de 22 % à 15 %.

Les dernières décennies ont montré que les États-Unis, plus grande puissance militaire de l’Histoire, sont toujours capables de gagner des guerres militairement (Vietnam, Afghanistan, Irak), mais ne peuvent plus imposer leur volonté à qui refuse de s’incliner devant la force des armes.

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Et comme nous sommes au début d’une nouvelle année et, bientôt, à la fin d’une décennie, les analystes politiques, les historiens et, plus généralement, les penseurs se posent la mère des questions : la croissance mondiale poursuivra-t-elle sa progression à 3 % l’an en moyenne avec un lent rattrapage des pays émergents ? Ou bien dérivera-t-on vers un autre type d’évolution ?

Ils sont unanimes à penser que le monde continuera en 2017 dans la même voie, car les grands événements qui pourraient le faire dérailler, ceux déjà intervenus en 2016 et ceux qui surgiront en 2017, ne produiront leurs effets qu’à partir de 2018.

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Quels sont ces événements qui pourraient interrompre la lente progression du monde ?

Outre une guerre nucléaire entre des puissances capables de nous y entraîner, on en signale plusieurs, dont deux, qu’on n’avait pas prévus, sont intervenus en 2016 :

• la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ;

• l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, source d’incertitude et d’interrogations.

Les répercussions du Brexit (qui peut se muer en divorce aux conséquences néfastes) et de l’entrée en fonction de Trump (dont la politique protectionniste et les initiatives désordonnées sont source de déséquilibre) commenceront à se faire ressentir à la fin de 2017 et dans le courant de 2018.

Marine Le Pen, si elle était élue à la présidence de la République française en mai, ajouterait son poids et son programme à ces deux facteurs de déséquilibre.

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La zone euro survivra-t-elle à de telles secousses ?

Quels seront les effets sur l’économie mondiale des tensions qui s’annoncent entre les deux premières puissances de la planète : les États-Unis et la Chine ? Jusqu’où ira le conflit larvé entre l’Arabie saoudite et l’Iran ? Et si Donald Trump donne suite à son idée de dénoncer l’accord international sur le nucléaire iranien, quelles en seront les conséquences sur le Moyen-Orient, l’Europe et le marché pétrolier ?

Le prix du baril pourra-t-il se maintenir à son niveau actuel ?

Comme on le voit, nous allons bientôt entrer dans une zone de turbulences et, désormais, le risque de voir le monde cesser de progresser d’une façon linéaire et ordonnée est bien réel.

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