États-Unis : Donald Trump, l’arrogance au pouvoir
Je me demande, comme sans doute beaucoup d’entre vous, si nous n’avons pas assisté, ce 20 janvier, à l’événement de l’année. L’arrivée au pouvoir à Washington de Donald Trump, qui nous inquiète et pourrait constituer un tournant. « Gouverner, c’est passer du « Je pense » ou « Je vous dis » au « Je fais et fais faire ». »
« Gouverner, c’est passer du « Je pense » ou « Je vous dis » au « Je fais et fais faire ». » C’est la situation dans laquelle se trouve désormais Donald Trump, installé hier à la Maison-Blanche comme 45e président de la première puissance (nucléaire et économique) du monde.
Il dit ce qui lui passe par la tête, parle comme le faisait feu Mouammar Kadhafi ou comme, en France, Bernard Tapie. Mais il a désormais la possibilité et les moyens d’agir.
Ces derniers sont immenses, effrayants. Le monde entier se demande avec anxiété ce qu’il va faire et quel président il sera.
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Élu le 8 novembre dernier avec 2,8 millions de voix de moins (sur 136 millions de votants) – 2 % – que son adversaire Hillary Clinton, il est impopulaire : les sondages le créditent de 40 % d’opinions favorables, ce qui est très peu.
Il aurait suffi que Hillary Clinton, elle-même impopulaire, obtienne 78 000 voix de plus dans quatre États pour être élue. L’histoire des États-Unis et peut-être du monde aurait alors pris un autre cours.
Mais la démocratie a ses règles et, selon celles en vigueur aux États-Unis, a désigné l’inquiétant Donald Trump comme le vainqueur de la présidentielle.
Les hommes et les femmes qu’il a choisis au cours de ces dernières semaines pour en faire ceux qui gouverneront les États-Unis (et le monde) avec lui ajoutent à notre inquiétude. Un historien américain les qualifie de « gang » et en dit ceci : « Dans l’histoire des États-Unis, aucun président américain n’a nommé autant de personnes si peu qualifiées pour mener à bien la mission qu’il leur a confiée… »
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S’agissant de l’Afrique, Trump sait à peine qu’elle existe ; les collaborateurs dont il s’est entouré sont si ignorants des réalités de notre continent qu’ils posent à son propos les questions les plus stupides. Attendons-nous donc au pire ou, ce qui peut nous arriver de mieux, à être ignorés.
Les Européens, eux, n’ont pas cette chance : peu de jours avant son investiture, le nouveau président des États-Unis, censé être le chef de l’Occident, a déclaré à deux grands journaux européens qu’il se félicitait de voir le Royaume-Uni se retirer de l’Union européenne et qu’il s’attendait à ce que d’autres pays d’Europe en fassent autant.
Depuis cinquante ans, tous les prédécesseurs de Trump ont fait tout ce qu’ils ont pu pour aider l’Union européenne à se former et à se consolider. Les prédécesseurs de Trump ont créé avec leurs alliés européens l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) et ont fait de cette alliance, dont les États-Unis sont le membre le plus important, le leader incontesté, la clé de voûte de leur domination militaire sur le monde.
Or Trump a jeté l’Otan aux orties en décrétant urbi et orbi qu’elle est obsolète ! Cela parce que ses alliés ne cotisent pas assez pour la maintenir dans son rôle.
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Donald Trump est un homme intelligent et un chef d’entreprise expérimenté. À 70 ans, c’est même un vieux cheval de retour.
Dans l’interview citée plus haut, il s’est lâché, comme on dit, et l’on a pu voir que dans sa tête il y a une vraie toile d’araignée : « J’aime l’ordre et la force, a-t-il dit. Je suis près de mes sous… quand je joue aux cartes, je ne montre pas mon jeu à tout le monde… Je ne suis pas satisfait de l’accord signé avec l’Iran. C’est l’un des pires jamais signés. On leur a rendu 150 milliards de dollars… des avions entiers remplis de billets de cent dollars. Pas possible de faire cela. Cet argent ? Je pense qu’il est parti en Suisse sur les comptes des dirigeants. »
Pendant près de deux heures, il a dit aux deux journalistes combien il était le plus grand et le plus beau, comment ceux qui l’ont combattu ont montré leurs limites. Cet homme empli de vanité va diriger les États-Unis et le monde, entouré de sa famille et de quelques hommes et femmes de son acabit : des Américains d’extrême droite disposant d’énormes moyens.
Il ne dit pas que des bêtises et ne commettra pas que des impairs. Mais, avec lui et son gang, nous risquons de voir l’Amérique devenir ce qu’elle a accusé d’autres puissances d’être : « un État voyou. »
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Donald Trump a déjà donné plusieurs signes – dont le choix de Rex Tillerson, un fin connaisseur de la Russie, comme secrétaire d’État – indiquant que, contrairement à son prédécesseur, il allait s’entendre avec cette dernière et son président, Vladimir Poutine. C’est là une heureuse idée, et il convenait de corriger sur ce plan le mépris affiché par Barack Obama pour ce grand et vieux pays qu’il a qualifié avec dédain de « puissance régionale ».
La Russie est en effet, par la faute de Vladimir Poutine, un nain économique dépendant à l’excès de ses exportations de pétrole et de gaz. Mais elle est toujours une grande puissance diplomatique et le démontre en ce moment même.
Plus impressionnante encore est son armée, que Poutine a modernisée. Quant à son arsenal nucléaire, il est supérieur à ceux de tous les autres pays, Chine incluse, et rivalise avec celui des États-Unis. Comme le montre le graphique ci-dessus, plus éloquent que tous les discours.
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Vladimir Poutine est un homme fier et imbu de l’importance historique de son pays. Je doute qu’il supporte longtemps l’arrogance primaire de Donald Trump. Ils feront très probablement « un bout de chemin » ensemble.
Mais l’alliance annoncée entre Trump et Poutine ne durera pas. Je pense que ce dernier ne tardera pas à se tourner vers des dirigeants plus civilisés, européens comme lui, Angela Merkel et le successeur de François Hollande.
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