Minerais : l’amorce d’une reprise après la crise ?
Moroses pour le fer, les prévisions sont optimistes pour la bauxite. Quant au cuivre et à l’or, ils pourront tirer leur épingle du jeu, mais les entreprises devront se montrer prudentes.
Après plusieurs années d’atonie sur les marchés due à la crise économique de 2008 et au ralentissement de la croissance chinoise à partir de 2010, qui ont vu les métaux perdre jusqu’à 50 % de leur valeur, il souffle depuis novembre 2016 un petit vent d’optimisme sur le secteur des minerais.
Une tendance à plusieurs égards spéculative, autant stimulée par la promesse de Donald Trump d’investir 1 000 milliards de dollars (950 milliards d’euros) dans la modernisation des infrastructures américaines que par une hausse de la demande chinoise, consommatrice de près de 55 % de ces matières premières. « La Chine a mal régulé sa production, et s’apprête à fermer 20 000 mines de cuivre et de fer artisanales qui ne répondent plus aux normes de sécurité et présentent des risques environnementaux », explique Christian Mion, associé chargé du secteur minier et des marchés émergents chez EY, à Paris. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps.
La Chine s’apprête à fermer 20 000 mines de cuivree de fer qui présentent des risques pour l’environnement.
Si, depuis l’élection américaine, les cours ont repris des couleurs, cela laisse-t-il pour autant présager une reprise plus ample et durable et un redémarrage des chantiers miniers en Afrique ? Rien n’est moins sûr, d’autant que « les grands groupes miniers, qui sont désormais animés par des logiques financières plus qu’industrielles, ont appliqué ces dernières années des remèdes de cheval (cessions d’actifs, gels de projets, licenciements) pour se restructurer et externaliser ce qui n’était pas rentable », indique Christian Mion, qui estime que « les fondamentaux du marché, notamment une croissance de 3 % à 4 %, ne sont à ce jour pas réunis » pour envisager une reprise dans la durée. Tour d’horizon des tendances, projets et perspectives pour le fer, le cuivre, l’or et la bauxite.
FER : LA DIFFICILE QUÊTE DE RENTABILITÉ
Fin décembre 2016, le cours du minerai de fer côtoyait les 80 dollars la tonne, soit le double de l’année précédente à la même époque. Mais ce niveau est toutefois encore bien loin des records atteints en 2011, quand il approchait des 180 dollars. Selon les experts, le niveau actuel n’est pas suffisant pour envisager le démarrage d’un site comme celui de Simandou, en Guinée.
Le gisement, le plus grand du continent, dont l’exploitation était prévue pour 2018, a été mis en veille en juillet 2016 avant d’être vendu trois mois plus tard à Chinalco par le groupe Rio Tinto. La situation est également difficile pour les sites de la Société nationale industrielle et minière (Snim), en Mauritanie, qui tournent au ralenti, ainsi que pour la mine de Falémé, au Sénégal, qui devait initialement être exploitée par ArcelorMittal mais qui attend depuis 2011 sa mise en production.
Ce n’est pas l’extraction en elle-même mais les infrastructures qu’il faut développer qui sont coûteuses.
Si le projet parvient à être relancé, ce sont 15 à 20 millions de tonnes qui pourraient en être extraites dans les deux prochaines décennies. « Ce n’est pas l’extraction en elle-même mais les infrastructures qu’il faut développer qui sont coûteuses : la construction de ports, de lignes ferroviaires pour acheminer le fer… » rappellent Sidy Diop et Nathalie Daley, respectivement directeur économique consulting Afrique et directrice adjointe chez Deloitte. Un obstacle pour Falémé, qui nécessiterait ainsi 750 km de chemin de fer, mais aussi pour Simandou, où les deux tiers des 20 milliards d’investissements concernent les infrastructures. La rentabilité devient dans ce cas presque impossible pour les opérateurs.
LE CUIVRE : PEUT-IL BRILLER DE NOUVEAU ?
Le cuivre a atteint 5 800 dollars la tonne début octobre 2016, après avoir grimpé de plus de 20 % en un mois, alors même que Goldman Sachs prévoyait en août une chute des cours de 17 % en un an, notamment en raison des stocks excédentaires.
On reste loin des 9 000 dollars la tonne de 2011. D’après les experts, il est peu probable que redémarrent dans ce contexte les projets de Glencore dans les mines du Katanga et de Mopani, en Zambie, suspendus depuis septembre 2015. Cela n’empêche pas la Zambie de tabler sur l’augmentation de sa production, qui devrait passer de 740 000 t en 2016 à 800 000 t en 2017. Le minerai, conducteur d’électricité, pourrait être utilisé pour augmenter la production nationale d’énergie. « Cela lui permettra aussi d’amasser des devises », souligne Christian Mion.
On attend toujours les résultats d’une deuxième étude commandée par le groupe canadien Ivanhoe Mines sur l’exploitation du site de Kamoa-Kakula, dans le Katanga : ce pourrait être le plus grand projet du continent dans le cuivre. Mais le démarrage d’ici à 2020 de l’exploitation du gisement d’Oyu Tolgoi, en Mongolie, par Rio Tinto, pourrait à terme venir concurrencer le cuivre africain.
L’OR, TOUJOURS VOLATIL
Les producteurs tablaient sur la remontée du cours du métal jaune après l’élection de Donald Trump, mais le prix a encore chuté depuis cette date. Le 5 janvier, il cotait à 1 172,99 dollars l’once (28 g), son niveau de février 2015, effaçant dix mois de progression.
Si les nouvelles frontières de l’exploration aurifère, comme le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, devraient rester dynamiques en 2017 grâce à leurs codes miniers favorables, les compagnies vont devoir surveiller au plus près leurs dépenses pour faire face à l’incertitude. Mark Bristow, patron de Randgold, prédit encore neuf mois de volatilité avant le retour d’un marché haussier, sous la pression de la baisse structurelle de la production au niveau mondial. *
Dans ces conditions, les compagnies qui susciteront l’intérêt seront celles qui ont un projet en cours de développement à un coût de production inférieur à 1 000 dollars l’once ou qui disposent d’un portefeuille d’exploration significatif. Ou, plus rares, celles qui cumulent les deux et qui génèrent aussi un cash-flow important. Dans la première catégorie, on peut citer Roxgold, qui développe le projet Yaramoko, au Burkina, et Toro Gold, avec le projet Mako, au Sénégal.
Avec des mines déjà en production et des projets très avancés, Perseus Mining (projet Sissengué en Côte d’Ivoire), Samafo (Natougou au Burkina) et B2Gold (Fekola au Mali) attireront aussi l’attention. Dans la seconde catégorie, Randgold ou encore Endeavour Mining, qui inaugurera fin 2017 sa nouvelle mine de Houndé au Burkina, sont les compagnies à suivre.
Article de Gaëlle Arenson
LA BAUXITE : UN MARCHÉ PORTEUR
Les prix de la bauxite, dont on extrait l’alumine, vont continuer de tourner autour de 55 dollars la tonne, un niveau élevé auquel ils se maintiennent depuis 2014. Le marché se porte bien grâce à un regain de la demande chinoise. En Guinée, où se trouvent les plus grandes réserves mondiales (25 milliards de tonnes), appréciées pour leur qualité, la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), contrôlée par l’État, Alcoa, Rio Tinto et Dadco, a annoncé en juin avoir obtenu un prêt de 1 milliard de dollars, dont 200 millions de la part de la Société financière internationale (IFC).
L’objectif étant d’augmenter ses capacités, notamment à Sangaredi, pour passer de 13,5 millions de tonnes par an à 18,5 millions de tonnes à l’horizon 2018, puis à 28,5 millions de tonnes par an d’ici à 2027. Plusieurs gisements sont actuellement en production : outre les sites historiques de la CBG et du géant moscovite Rusal, qui extrait de ses mines de Fria et de Kindia environ 4 millions de tonnes chaque année, on compte aussi celui de la Société minière de Boké, pilotée par China Hongqiao Group, qui a démarré l’exploitation en août 2015 et vise de 5 à 10 millions de tonnes par an.
D’autres projets, menés par des opérateurs français, chinois et émirati, sont en développement dans la région de Boké. En Côte d’Ivoire, dans la région de Bongouanou, un gisement, dont la production est estimée à 315 000 t, devrait être exploité sous peu par Lagune Exploration Afrique, la junior ivoirienne de l’homme d’affaires Moumouni Bictogo. R.D.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles