Commission de l’Union africaine : la victoire consensuelle de Moussa Faki Mahamat
Le nouveau président de la Commission de l’UA est un fidèle d’Idriss Déby Itno, et son élection, fin janvier à Addis-Abeba, consacre le retour du Tchad sur le devant de la scène internationale.
Union africaine : tout savoir sur le 28e sommet des chefs d’États africains
Les 30 et 31 janvier dernier, Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, accueillait la grande réunion des représentants et chefs de gouvernement africains.
Ce 30 janvier, lors du 28e sommet de l’Union africaine (UA), il aura fallu attendre le septième et dernier tour de scrutin pour que le Tchadien Moussa Faki Mahamat soit élu. Au tour précédent, trois voix seulement avaient séparé le Tchadien de sa principale rivale, la Kényane Amina Mohamed. Mais qu’importe : la Commission de l’Union africaine (UA) s’est trouvé le 30 janvier un président dont la victoire ne souffre aucune contestation. Fini le psychodrame du duel qui, en 2012, avait opposé Jean Ping et Nkosazana Dlamini-Zuma. Oublié le blocage à Kigali en juillet 2016.
Il a la tête sur les épaules et n’agit jamais sous le coup de la colère.
L’élection de Moussa Faki Mahamat, 56 ans, couronne le retour du Tchad sur la scène diplomatique internationale. Un retour dont ce grand bonhomme aux cheveux gris et au parcours sans anicroche fut l’un des acteurs majeurs. Ministre des Affaires étrangères depuis 2008, Moussa Faki s’y est forgé une solide réputation.
Fidèle ministre
Toujours dans le sillage du président Idriss Déby Itno, il a notamment joué un rôle important dans de nombreux dossiers : le rapprochement avec le Soudan, les crises en Centrafrique et au Burundi et, en 2013, l’obtention du siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
En mars, date officielle de la prise de fonctions de Mahamat, le chef de l’État tchadien verra ainsi s’éloigner l’un de ses plus anciens ministres, un fidèle qui a fait toute sa carrière à ses côtés. Membre de longue date du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), il fut le directeur du cabinet civil d’Idriss Déby Itno, puis de sa campagne présidentielle en 2001, avant de faire son entrée au gouvernement, en 2002.
Éphémère ministre des Travaux publics et des Transports, il est nommé Premier ministre en juin 2003. Moins d’un an plus tard, une tentative de coup d’État fomentée par des militaires zaghawas est déjouée par le pouvoir. Il démissionnera en février 2005, en pleine grève du secteur public, puis passera deux ans aux États-Unis pour apprendre l’anglais, avant de rejoindre le Conseil économique, social et culturel en 2007.
Liberté d’esprit
Si l’importance de Moussa Faki Mahamat dans le système Déby n’est plus à démontrer – il est notamment proche de Mahamat Zen Bada (le patron du MPS) et d’Ahmat Mahamat Bachir (ministre de la Sécurité) –, son profil détonne au sein du premier cercle du chef de l’État. Il n’était pas à ses côtés lors du putsch de décembre 1991, mais les deux hommes se connaissent très bien, et le président apprécie sa liberté d’esprit.
Juriste de formation ayant étudié à Brazzaville et à Paris, le nouveau président de la Commission de l’UA est un intellectuel arabophone qui a fait carrière dans l’administration. Son père, un marabout qui enseignait le Coran aux jeunes dans le Ouaddaï (la région d’Abéché), est un Zaghawa, comme le président, alors que sa mère est une musulmane de la communauté arabe de la région de Biltine (Nord-Est) – comme Mahamat Saleh Annadif, le patron de la Minusma.
Un homme de consensus
Volontiers secret, le diplomate tchadien est également décrit par ses proches et nombre d’observateurs comme humble et réfléchi. « Il a la tête sur les épaules et n’agit jamais sous le coup de la colère », affirme un compatriote qui le connaît depuis les années 1990.
« Cette élection enterre l’espoir de démocratiser le Tchad car aucune résolution hostile au pouvoir ne sera adoptée par l’UA. »
« Il est calme et sage, poursuit un ministre maghrébin des Affaires étrangères. Il a une bonne image et est apprécié de tout le monde. Il fait consensus. » « Il a gardé des relations transversales et s’entend bien avec certains leaders politiques de l’opposition », ajoute un observateur. Même l’opposant Saleh Kebzabo estime que « son élection [était] une fierté pour les Tchadiens ».
Certains, pourtant, peinent à cacher leur déception. « Cette élection va définitivement enterrer l’espoir de démocratiser le pays car aucune résolution hostile au pouvoir de N’Djamena ne sera adoptée par l’UA », craint déjà le blogueur en exil Makaïla Nguebla.
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