Présidentielle en France : la chasse au Fillon est ouverte

«Ceux qui lancent des boules puantes finissent par sentir plus mauvais que ceux qui les reçoivent », s’emportait naguère le général de Gaulle, volant au secours de Claude Pompidou, l’épouse de son Premier ministre indûment mise en cause dans une affaire sexuelle. Cette « affaire Markovic » fut le premier grand scandale de la Ve République.

François Fillon avant d’entrer sur scène pour une conférence de presse, le 6 février 2017. © Christophe Ena/AP/SIPA

François Fillon avant d’entrer sur scène pour une conférence de presse, le 6 février 2017. © Christophe Ena/AP/SIPA

ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 6 février 2017 Lecture : 3 minutes.

Il y en aura beaucoup d’autres, tantôt avérés tantôt montés de toutes pièces pour abattre quelque Rastignac trop pressé. De l’« avoir fiscal » de Chaban-Delmas à la ridicule affaire Clearstream, ourdie pour empêcher Sarkozy d’accéder à l’Élysée, en passant par les diamants offerts par Bokassa à Giscard et les affaires « de cornecul » dans lesquelles Chirac prenait plaisir à s’embourber, quelle litanie nauséeuse !

Qui a balancé au Canard enchaîné ?

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« Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » persiflait François Fillon pour dézinguer Sarkozy avant la primaire de la droite. Certes, mais on n’imagine pas non plus tante Yvonne cachetonnant pour Modes et Travaux, la peu torride revue des familles françaises au temps du baby-boom ! Ce jour-là, l’ex-Premier ministre a perdu une occasion de se taire…

Le plus étrange est que les coups les plus bas viennent souvent de proches ou de familiers. Qui a balancé au Canard enchaîné et à la terre entière des informations embarrassantes sur Penelope Fillon ? Nouveau chef de la droite et grand favori de la présidentielle, l’Ulysse de Sablé-sur-Sarthe doit avoir sa petite idée…

De vertueux paladins du « modèle social » français qui, depuis des mois, le caricaturent en croquemitaine néothatchérien ? Un (ou une) sarkozyste dépité(e) ? Un (ou une) élu(e) évincé(e) de la bataille législative au profit d’un (ou une) rival(e) moins imprévisible ou plus accommodant(e) ? Bien difficile à dire. Au fond, rien n’a vraiment changé depuis César et Brutus. Tu quoque mi fili ? Mais oui, mon vieux, qu’est-ce que tu crois ?

Le candidat de la droite dans un guet-apens

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La concomitance des attaques lancées contre lui à l’approche du grand meeting parisien censé lancer sa campagne et l’empressement avec lequel la justice française, que son dénuement incite d’ordinaire à plus d’indolence, a diligenté contre lui, à l’instigation du parquet, une enquête préliminaire laissent à penser que le candidat de la droite est bel et bien tombé dans un guet-apens. Ce qui ne signifie pas qu’il soit blanc comme neige. Ni qu’il n’ait imprudemment prêté le flanc aux malveillances.

Il est bien tombé dans un guet-apens. Ce qui ne signifie pas qu’il soit blanc comme neige.

Employer un membre de sa famille comme attaché parlementaire n’est nullement illégal. À condition qu’il ne s’agisse point d’un emploi de complaisance. Or, comme l’a révélé le 2 février le magazine Envoyé spécial sur France 2, Penelope avait en 2007 confié au Sunday Telegraph n’avoir jamais été l’assistante de son mari.

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De même, être confortablement rémunéré, comme elle l’a été, pour une collaboration à une vénérable institution (La Revue des deux mondes, fondée en 1829) ne devient embarrassant que si votre ancien patron peine à se souvenir de votre existence. Et de vos travaux.

Un séisme tant dans l’opinion

S’agissant de faits déjà anciens et jamais soumis au moindre contrôle, la justice aura du mal à prouver un quelconque délit. Politiquement, c’est une autre histoire. Fillon était parvenu à donner de lui-même l’image d’un homme pondéré, honnête et droit, ce qui l’autorisait, pensait-il, à demander des sacrifices à ses compatriotes.

Les révélations du Canard ont provoqué un séisme tant dans l’opinion qu’au sein des Républicains, où certains, cédant à la panique, songent déjà à un « plan B » visant à le remplacer par Alain Juppé, Xavier Bertrand, François Baroin, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez. Lui-même n’a d’ailleurs pas fait mystère de son intention de se retirer s’il venait à être mis en examen.

Le succès de son meeting du 29 janvier à la porte de la Villette (15 000 personnes scandant avec entrain le prénom de son épouse) n’a donc pas suffi à briser cette spirale négative. Mais ses rivaux auraient tort de se réjouir. Quand il aura fini de justifier son matraquage fiscal de la classe moyenne et échafaudé l’ombre du début de l’esquisse d’un programme, Emmanuel Macron devra encore convaincre la justice qu’il n’a pas utilisé des fonds en provenance de Bercy pour créer son propre parti. Quant à Marine Le Pen, elle est soupçonnée d’avoir rémunéré une flopée de salariés du Front national avec des fonds européens…

Et dire que la campagne vient à peine de commencer !

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