Tunisie : Samia Abbou, une députée intransigeante
Députée intègre et assidue, cette ancienne opposante à Ben Ali est aujourd’hui l’une des figures les plus populaires de l’Assemblée nationale. Portrait.
« Bonne année à la dame de fer », lui lancent amicalement des députés dans les couloirs de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cofondatrice avec, entre autres, son époux, Mohamed, du Courant démocrate en 2013, Samia Abbou bénéficie d’une cote de popularité à la mesure de son intransigeance : 38% d’avis favorables, selon un sondage de Sigma Conseil paru en janvier.
Formée à la faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, cette juriste de 51 ans pénètre dans l’hémicycle comme on entre dans une arène. « Les avis contraires dérangent », constate, impassible, ce membre fondateur du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), en 1998, et célèbre opposante à Ben Ali. « Nous étions dans la résistance, nous sommes entrés en politique. Avant, nous défendions les droits de l’Homme et dénoncions la dictature. Maintenant, nous agissons pour la construction d’un État en étant au cœur des politiques publiques. Les registres sont différents. »
Croire en son pays, c’est aussi s’éloigner des idéologies.
Ancienne militante du Congrès pour la République (CPR), elle avait remplacé, à l’Assemblée constituante élue en 2011, Moncef Marzouki, fondateur du parti, lequel avait été désigné président de la République provisoire. Elle s’impose d’emblée, en dénonçant le contenu du préambule de la Constitution en cours d’élaboration, qui « tend à instaurer la charia ». Et devient la coqueluche des plateaux de télévision après avoir clamé, les larmes aux yeux : « Ils devront passer sur mon cadavre pour faire adopter le préambule tel qu’il est ! Les graines de la dictature sont présentes à chaque chapitre. »
Maturité politique
Depuis, elle a gagné en maturité politique, sans perdre pour autant de sa verve, et évite désormais le registre émotionnel. « Pouvoir s’adosser aux principes, aux orientations et à la vision d’un parti est essentiel », affirme l’élue, qui se distingue par son assiduité aux plénières et aux commissions, et qui a une idée précise de ses fonctions : « Pour un député, tout est prioritaire, tout doit être traité avec la même attention. L’action de contrôle de l’Assemblée est essentielle à la gouvernance et à la constitutionnalité des lois. L’étape actuelle est celle de la construction de la souveraineté nationale. Croire en son pays, c’est aussi s’éloigner des idéologies. Et être responsable et comptable de ses actes. »
Aussi fustige-t-elle les propos « non responsables » – comprendre laxistes – du chef de l’État, Béji Caïd Essebsi, et du leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, sur le retour des jihadistes depuis le front syrien et s’irrite d’une « polémique qui fait fausse route. Ils ne peuvent pas aller ailleurs. La Constitution est ainsi faite. Sans compter qu’ils sont une source d’information précieuse ». Sa position ? Un contrôle judiciaire strict des « revenants » et la mise en place rapide d’une stratégie englobant sécurité, douane, défense, prisons, et sensibilisation des citoyens et des familles pour lutter contre le jihadisme et le prévenir.
Rien n’agace autant cette mère de trois grands enfants, qui pense à l’avenir sans pouvoir se consacrer autant qu’elle le voudrait à sa famille, que les palabres et les circonvolutions. Entière et déterminée, elle préfère aller droit au but et au fond des choses. « Le secret de Samia est son couple. Elle est en osmose avec Mohamed, son compagnon de route depuis près de trente ans. La politique est leur stimulant », confie une proche.
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