Gaza : le Hamas tente de sortir de son isolement diplomatique

Rapprochement avec l’Égypte, tentative de réconciliation avec le Fatah, clins d’œil à l’ex-allié iranien… Le parti islamiste change de tactique avec ses voisins, sans que l’on puisse pour autant, selon les analystes, parler de « nouvelle diplomatie du Hamas ».

Ismaïl Haniyeh, cadre du Hamas, salué par des militants et des sympathisants, chez lui, à son retour du Caire, le 27 janvier 2017. © Ali Jadallah/Anadolu Agency/AFP

Ismaïl Haniyeh, cadre du Hamas, salué par des militants et des sympathisants, chez lui, à son retour du Caire, le 27 janvier 2017. © Ali Jadallah/Anadolu Agency/AFP

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Publié le 15 février 2017 Lecture : 3 minutes.

« La visite en Égypte de la délégation du mouvement a été couronnée de succès », a déclaré le Hamas, au pouvoir à Gaza, quand son chef, Ismaïl Haniyeh, est rentré du Caire, le 27 janvier. Comment le groupe islamiste, apparenté aux Frères musulmans, a-t-il pu recevoir si bon accueil d’un régime qui l’accuse d’avoir œuvré à sa déstabilisation, d’être le complice de Daesh et d’être impliqué dans l’assassinat du procureur général du pays en juin 2015 ?

La menace du jihadisme

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Se félicitant de « rencontres fructueuses », les Palestiniens ont notamment évoqué celle avec le chef des renseignements égyptiens, Khaled Fawzy. Si le contenu des discussions n’a pas filtré, les commentateurs égyptiens estiment que la menace du jihadisme, actif en Égypte comme à Gaza, a été au cœur des échanges. Les griefs du président Abdel Fattah al-Sissi contre les alliés transfrontaliers du Frère musulman Mohamed Morsi, qu’il a renversé en juillet 2013, se sont effacés derrière les impératifs sécuritaires. Classé organisation terroriste par l’Égypte en février 2015, le Hamas avait d’ailleurs été rayé de la liste noire en juin suivant et s’impose aujourd’hui comme un partenaire dans la lutte contre la terreur.

De l’autre côté du poste-frontière de Rafah, le parti islamiste palestinien, qui a arrêté des dizaines d’activistes ces derniers mois, partage cet impératif. Comme l’explique Leïla Seurat, dont l’essai Le Hamas et le monde (CNRS Éditions, 2015) expose le pragmatisme diplomatique du mouvement, « l’ex-ennemi juré peut vite devenir un ami si le besoin s’en fait sentir, conjoncturellement du moins ». Car la conjoncture internationale fait peser une menace sur l’organisation, qualifiée de terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, tandis qu’à Tel-Aviv se déchaînent les faucons à la faveur de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Si « le Hamas nous impose une nouvelle guerre, ce sera la dernière », a martelé, en novembre, le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman. Faite depuis Moscou, le 17 janvier, l’énième annonce de réconciliation avec le Fatah, le frère ennemi de Cisjordanie, est notamment dictée, côté Hamas, par « la recherche de la levée du blocus de Gaza et d’une reconnaissance internationale », souligne la chercheuse.

Isolement sur le plan régional

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À l’échelle régionale, l’organisation palestinienne s’est enclavée diplomatiquement depuis les Printemps arabes, s’étant brouillée avec ses parrains historiques pour s’allier avec des puissances éphémères. Amenée à rompre avec son ex-protecteur Bachar al-Assad en 2012, elle a dû prendre ses distances avec l’Iran, le grand allié du Syrien qui était aussi son principal pourvoyeur de fonds. Résultat : à Gaza, la crise financière saigne l’État comme la population.

En Égypte, la « divine victoire » à la présidentielle de 2012 du frériste Mohamed Morsi a vite laissé place au cauchemar du putsch militaire et de la répression contre les islamistes. Le Qatar de l’émir Hamad, héraut des Frères musulmans, n’est plus. Depuis juin 2013, l’émir Tamim mène à Doha une diplomatie plus discrète et s’est rapproché d’une Arabie saoudite hostile au Hamas.

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Dernier grand sponsor des mouvements islamistes arabes, la Turquie a officialisé, en juin 2016, la reprise de ses relations diplomatiques avec Israël, qui étaient rompues depuis six ans. « Il est facile de dire rétrospectivement que la rupture avec Assad était un mauvais pari, commente Leïla Seurat. Mais le Hamas n’aurait alors pas bénéficié du soutien du Qatar, de l’Égypte et de la Turquie. En outre, il ne pouvait aller contre son opinion publique, hostile au régime syrien. »

Réorienter la politique du Hamas

Au sein du mouvement, des voix dissidentes, comme celle de l’influent Mahmoud al-Zahar, avaient répété leur attachement à l’alliance iranienne, permettant de ne pas rompre tous les ponts avec Téhéran. Fin 2014, une délégation du parti s’y est rendue, renouant des liens qui attendent encore une visite au sommet pour se resserrer. Celle de Haniyeh au Caire confirme ce repositionnement diplomatique.

S’agit-il pour autant d’un revirement politique ? « Il n’y a pas une “nouvelle diplomatie du Hamas”, parce que sa diplomatie traditionnelle ne cesse justement de se renouveler en fonction du contexte. Or la conjoncture régionale est si mouvante depuis 2011 qu’ils doivent toujours réorienter leur politique », décrypte Leïla Seurat.

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