Football : Rémy Ebanega, défenseur… des droits des footballeurs gabonais

Grièvement blessé à un genou, l’international de football gabonais profite de sa pause pour défendre ses compatriotes grâce au syndicat qu’il a créé.

Le footballeur garde le moral, même s’il ne sait pas s’il pourra rejouer un jour. © Bertrand Gaudillere/item/JA

Le footballeur garde le moral, même s’il ne sait pas s’il pourra rejouer un jour. © Bertrand Gaudillere/item/JA

Alexis Billebault

Publié le 16 février 2017 Lecture : 4 minutes.

La France est son pays d’accueil, mais le Gabon n’a jamais quitté ses pensées. Rémy Ebanega, 27 ans, vit à Marseille depuis qu’il a été obligé de mettre sa carrière entre parenthèses à cause d’une vilaine blessure au genou droit. « Cela fera deux ans en avril que je n’ai plus joué. J’étais en attente d’une greffe et j’ai été opéré le 10 janvier », explique l’ancien défenseur des Panthères. Mais plutôt que de ruminer dans son coin, le jeune père de famille a décidé de consacrer une partie de son énergie à s’occuper des problèmes des autres.

À Oyem, sa ville natale, il finalise avec un associé la construction de deux petits terrains synthétiques consacrés à la pratique du football à 5 contre 5. « On louera à l’heure, à des tarifs dérisoires, pour ceux qui veulent s’amuser un peu, car les loisirs pour les jeunes manquent dans cette ville à laquelle je dois beaucoup et où j’ai commencé à jouer », explique-t-il de sa voix douce et posée, installé devant un café dans les salons d’un grand hôtel lyonnais.

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Et, en juin 2014, Rémy Ebanega a cocréé l’Association nationale des footballeurs professionnels du Gabon (ANFPG), un syndicat dont il occupe la présidence et qui se bat pour améliorer la condition des joueurs, particulièrement malmenés ces dernières années.

Une ascension éclair

Rémy Ebanega a donc vu le jour le 17 novembre 1989 à Oyem, quatrième cité la plus peuplée du pays, chef-lieu du Woleu-Ntem, une province du nord du Gabon. Né au sein d’une famille nombreuse – « sept enfants, dont quatre filles », il a grandi sous le regard attentif de sa mère et de son père, tous deux instituteurs. « Autant vous dire que, pour les études, on ne négociait pas », s’amuse-t-il.

Son intérêt pour le football, très précoce, le conduit naturellement à prendre une licence à l’US Oyem, alors en Ligue 1. Dans son parcours scolaire, Ebanega dribble tous les obstacles jusqu’à l’année du bac (scientifique). « Je jouais déjà en équipe première et je n’arrivais pas bien à préparer l’examen à cause des matchs, des voyages. J’ai arrêté le foot pendant un an et je suis parti rejoindre un de mes frères à Franceville pour passer mon bac. »

On ne sait pas où vont les aides de l’État. Les joueurs n’ont pas de vrais contrats, pas de protection sociale. »

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Diplôme en poche, le jeune étudiant-footballeur s’inscrit à l’université Omar-Bongo de Libreville et signe pour deux ans au FC 105, l’un des meilleurs clubs du pays, avant de rejoindre l’US de Bitam, l’autre grande ville du nord du Gabon. En novembre 2011, il est appelé pour la première fois en sélection nationale, à l’occasion d’un match amical face au Brésil à Libreville (0-2). « Un mois plus tard, je gagnais la CAN des moins de 23 ans, au Maroc. Début 2012, j’ai participé à la CAN, avec un quart de finale, et, en fin de saison, j’ai signé à Auxerre. »

L’exemple français

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Son exil français va changer le cours de son destin. « Quand je suis arrivé à Auxerre, j’ai appris qu’il existait un syndicat chargé de défendre les intérêts des footballeurs professionnels. Au Gabon, c’était inconcevable. Là-bas, les joueurs appartiennent aux présidents des clubs. Au début, je ne voulais pas adhérer. On m’a alors expliqué qu’en France les joueurs bénéficiaient de contrats types, de la Sécurité sociale… Dès lors j’ai compris qu’il fallait faire quelque chose pour mes compatriotes. »

Sur les pelouses françaises, avec son gabarit passe-partout (1,78 m, 78 kg), Ebanega parvient à vite s’imposer dans l’effectif auxerrois, malgré une blessure qui le laisse à l’infirmerie pendant plusieurs mois. « C’est au début de la deuxième saison que les choses ont commencé à se dégrader. Je devais être augmenté, car j’avais signé un contrat avec le président Gérard Bourgoin. Mais le nouveau, Guy Cotret, a fait en sorte que je ne joue plus.

Alors, je suis parti au CA Bastia, en divisant mon salaire par trois. » En Corse, sa blessure à un genou s’aggrave, l’obligeant à interrompre sa carrière. « Même aujourd’hui, après mon opération, je ne suis pas certain de pouvoir rejouer un jour… »

Protéger les conditions de travail des professionnels

Cette indisponibilité, Rémy Ebanega la met à profit pour défendre les intérêts des joueurs gabonais, dont la situation ne cesse d’empirer. « Cela fait des mois que les joueurs attendent d’être payés, dans presque tous les clubs. Les conséquences sont parfois dramatiques, car ils ne peuvent plus assumer leurs charges quotidiennes. Au Gabon, les clubs perçoivent une aide de l’État, supposée les aider à payer les salaires. Mais, la plupart du temps, on ne sait pas où va l’argent. Les joueurs n’ont pas de vrais contrats, pas de protection sociale. »

Avec Axel Nguema, docteur en droit du sport, Paul Kessany et Jaduve Mboumba, deux ex-internationaux, la structure qu’il a créée, l’ANFPG, qui a intégré le syndicat mondial des footballeurs, met la pression sur les dirigeants du football gabonais. « Nous voulons que les droits des joueurs soient respectés, via l’application d’une charte qu’il faut mettre en place. On ne peut plus accepter que des présidents de clubs fassent ce qu’ils veulent, la Ligue de football professionnel doit s’assurer de la bonne utilisation de l’argent versé par l’État. Nous ne lâcherons rien. » Et, cela tombe bien, Ebanega a du temps devant lui…

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