Liberté de la presse en RDC : comment la Radio-Télévision Manika tient tête aux pressions politiques

Le documentaire Kolwezi on Air zoome sur les journalistes et animateurs congolais de la Radio-Télévision Manika, entre réalité décapante et pression politique.

Top One, le présentateur vedette de la chaîne, exige de se maquiller lui-même. © Nameless production

Top One, le présentateur vedette de la chaîne, exige de se maquiller lui-même. © Nameless production

Publié le 16 février 2017 Lecture : 3 minutes.

En novembre dernier, deux journalistes de la Radio-Télévision Manika (RTMA) étaient arrêtés en RD Congo. Leur seul tort ? Avoir donné la parole à Moïse Katumbi, le puissant opposant à Kabila. « Les gens nous prennent presque pour des justiciers », raconte Gaston Mushid Mutund, fondateur de la chaîne, l’un des deux hommes interpellés. Née en 2009 à Kolwezi, en plein Katanga riche région minière de la RD Congo –, la RTMA est devenue au fil du temps un véritable contre-pouvoir qui veut informer, quel que soit le prix à payer.

Radio pirate 

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C’est à ce média hors normes que le réalisateur français Idriss Gabel a consacré un documentaire : Kolwezi on Air. Le film, sorti en 2016 et déjà primé à plusieurs reprises, a été sélectionné pour le prochain Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) et sera diffusé pour la première fois à la Radio-Télévision belge de la communauté française (RTBF), le 9 mars.

Idriss Gabel est plus connu comme monteur du réalisateur belge Thierry Michel, auteur d’une dizaine de films souvent décriés sur la RD Congo. C’est en donnant une formation au montage à l’équipe de la RTMA que Gabel se prend d’intérêt pour le travail de cette chaîne aux airs de radio pirate, diffusant au nez et à la barbe des censeurs, et qu’il décide de filmer son histoire. Trois mois de tournage qui s’étaleront sur quatre ans, lors de chacun de ses déplacements dans le pays.

Écho de la réalité congolaise

L’ambition de ce réalisateur de 38 ans, petit-fils de responsables de la Croix-Rouge dans l’ex-Zaïre, est de pointer les dysfonctionnements de la société congolaise, privée d’informations fiables et de services publics efficaces. Aux côtés de l’équipe de la RTMA, qui a compté jusqu’à une trentaine de journalistes et techniciens, il filme le quotidien précaire de la population.

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Les faits divers offrent un reflet particulièrement inquiétant de la dure réalité congolaise. Comme l’histoire de cet homme retrouvé mort dans des filets de pêcheurs, dont la famille doit en plus payer pour récupérer le corps. Comme ces cadavres qui tombent en putréfaction à la morgue vu que le bâtiment n’est plus alimenté en électricité. Ou comme ces agents de la Société nationale des chemins de fer du Congo qui ne reçoivent plus de salaire depuis plus d’un an…

Des journalistes qualifiés

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Surtout, le documentaire de soixante-treize minutes fait le portrait de journalistes hauts en couleur, amusants et attachants, tout en montrant leurs difficultés à informer. Il tend par exemple le micro au fantasque Patrick Bukasa, alias Top One, aux manettes de l’émission musicale Ultra 2cibel et présentateur du JT, qui assure crânement être « bon cameraman, bon présentateur, bon chroniqueur de musique, bon monteur ».

Fidélie Muyongo, animatrice d’une émission culinaire, explique à quel point il est compliqué et mal vu d’être une femme qui travaille, qui plus est pour un média. « Les voisins ou les amis ne manquent pas de me traiter de pute, d’orgueilleuse », assure-t-elle. Kolwezi on Air permet enfin de voir Gaston Mushid Mutund pousser dans ses retranchements un député congolais tentant de justifier ses substantiels émoluments (plus de 13 000 dollars [environ 12 000 euros] par mois… à mettre en regard avec le salaire minimum au Congo, qui s’élève à quelque 80 dollars).

Une liberté de ton qui vaut beaucoup d’ennuis à la Radio-Télévision Manika, surtout depuis que Moïse Katumbi, défenseur de la chaîne, a été contraint à l’exil. Soumis à des amendes exorbitantes, régulièrement arrêtés et interrogés, les journalistes sous pression tentent tant bien que mal de poursuivre leur travail. Idriss Gabel dénonce pour sa part la « chape de plomb » qui s’est abattue sur le média. En juillet 2016, son documentaire n’a pas pu être projeté à Kolwezi. Faute d’accord des autorités.

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