Issad Rebrab et Said Benikene : « Les fusions-acquisitions accélèrent la croissance »

Respectivement fondateur et directeur général exécutif du groupe Cevital, Issad Rebrab et Said Benikene expliquent ce qui constitue, pour eux, la clé du succès.

Avec un milliard de dollars en plus par rapport à 2017, Issad Rebrab passe de la 9e à la 6e place du classement des milliardaires africains établi par Forbes. © AP/SIPA

Avec un milliard de dollars en plus par rapport à 2017, Issad Rebrab passe de la 9e à la 6e place du classement des milliardaires africains établi par Forbes. © AP/SIPA

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 17 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

L’édition 2017 du Africa CEO Forum a eu lieu à Genève, en Suisse. © Eric Larrayadieu/AFRICA CEO FORUM/J.A.
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Africa CEO Forum 2017 : repenser le modèle africain

La cinquième édition de ce rendez-vous du secteur privé africain, organisé par le Groupe Jeune Afrique et Rainbow Unlimited avec le soutien de la BAD, a lieu à Genève les 20 et 21 mars. Cette année, l’Africa CEO Forum met au cœur des débats la nature du boom économique des années 2000, la réalité de la croissance en Afrique et les décisions indispensables à prendre pour retrouver un rythme élevé et durable de croissance.

Sommaire

Cevital, le plus important conglomérat algérien, présent dans les secteurs du sucre, du ciment, de l’acier et de l’électroménager, a multiplié les projets hors de son marché domestique depuis 2013. Aujourd’hui, sa stratégie de développement le mène du Brésil au Sri Lanka en passant par l’Europe et l’Afrique. Son fondateur, Issad Rebrab, et le directeur général exécutif du groupe, Said Benikene, livrent en exclusivité pour JA leurs recettes pour faire émerger des champions continentaux.

Jeune Afrique : Existe-t-il des méthodes pour faire naître des poids lourds africains de taille mondiale ?

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Issad Rebrab : Cela passe par le réinvestissement permanent dans des secteurs porteurs et à forte valeur ajoutée. Mais aussi par la formation, la recherche et développement, l’innovation. Il est par ailleurs fondamental de choisir le top au niveau managérial. Les compétences existent, il faut aller les chercher et accepter de les payer. Pour être compétitif, un projet doit également tenir compte des coûts logistiques. Il est recommandé de s’installer dans un port ou à proximité afin de les réduire.

S’imposer sur son marché domestique est-il un prérequis ?

I. R. : Le marché intérieur constituera forcément une rampe de lancement. Mais, pour former un athlète, il faut de la compétition ! Si vous vous contentez de votre propre marché, vous n’irez pas loin.

Et comment faire avec des banques africaines qui n’apportent pas nécessairement leur appui ?

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I.R. : Pour prendre notre exemple, Cevital est très solide financièrement. Nous avons toujours financé nous-mêmes nos projets en Algérie. À l’international en revanche, nous avons fait appel à des financements extérieurs. Pour notre projet actuel en Éthiopie, nous comptons sur l’appui du gouvernement mais aussi sur celui de la Banque africaine de développement (BAD) et de banques européennes dans le cadre du crédit acheteur qui doit nous accompagner pour l’acquisition des équipements.

Said Benikene : Alors que les besoins se font de plus en plus pressants, aucune grande banque africaine ne soutient les groupes dans leur expansion internationale. Certaines commencent à se projeter en Afrique à partir du Maroc. Hormis la BAD, très peu sont capables de couvrir l’ensemble du continent et d’offrir la totalité des services dont les entreprises ont besoin pour développer leurs activités et financer leurs investissements.

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Dans ce contexte, les pouvoirs publics doivent-ils faire jouer la préférence nationale ou continentale pour soutenir ces champions ?

I.R. : Certaines entreprises africaines ont de la valeur mais, faute de moyens, elles se retrouvent fragilisées. Il faut les laisser devenir adultes, se renforcer… Il revient à l’État de les aider.

S.B. : L’État tient son rôle quand il définit des stratégies de développement, mais aussi quand il devient actionnaire si l’investissement privé est insuffisant en matière de taille, de capacité. Il est aussi légitime en tant qu’État protecteur, en réglementant un certain nombre de secteurs, pour que les sociétés puissent éclore et grandir. Toutefois, ce n’est pas une recette miracle. Les barrières douanières et tarifaires sont une maigre protection qui peut tomber du jour au lendemain. Cela ne remplace pas une véritable stratégie de développement.

Un champion peut-il prospérer sans fusion ou acquisition ?

I.R. : Si on veut accélérer son développement, il faut que croissances interne et externe s’additionnent. Il faut acquérir des entreprises de qualité possédant par exemple des brevets, des marques reconnues mondialement, un réseau de distribution international. Alors vous ferez un pas de géant.

S.B. : C’est clairement un accélérateur de croissance. Nous l’avons vérifié ces dernières années en réalisant beaucoup d’acquisitions, mais aussi en suivant le principe de la colocalisation industrielle.

Cela a-t-il donné des résultats ?

I.R. : Jusqu’en 2013, nos investissements étaient concentrés sur notre marché domestique. Puis nous avons acquis la société Oxxo en France [fenêtres en PVC] et implanté une usine en Algérie, créant ainsi 3 000 emplois. La même année nous avons absorbé Alas, qui fabrique de l’aluminium en Espagne ; en 2014, nous avons pris le contrôle de Brandt, grâce auquel nous avons hérité de 1 300 brevets, de quatre marques de renom mondial – Brandt, Vedette, Sauter, De Dietrich.

Cela nous a permis de maintenir une croissance de notre chiffre d’affaires de 30 % par an et d’investir en R et D [recherche et développement]. Aujourd’hui, les cartes électroniques que Brandt France fabriquait à Taïwan sont produites en Algérie et nous les implantons dans nos usines hexagonales.

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