Présidentielle en France : l’heure de François Bayrou est-elle venue ?
IL était une fois un Béarnais très entêté, qui rêvait d’être Président. À trois reprises il échoua. Et si le miracle se produisait enfin ?
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Jean-Michel Aubriet
Ancien rédacteur en chef de la rubrique Europe-Amérique-Asie de Jeune Afrique.
Publié le 21 février 2017 Lecture : 3 minutes.
En 1858, dans la grotte de Massabielle, à Lourdes, la Madone apparut à une bergère nommée Bernadette Soubirous. Depuis, les guérisons miraculeuses ont tendance à se multiplier dans ce coin jadis déshérité de Bigorre. Les pèlerins affluent du monde entier et, en 1933, Bernadette fut même canonisée. Plus d’un siècle plus tard, dans quelque brumeuse vallée du Béarn voisin, la Vierge Marie aurait-elle choisi d’apparaître à un drôle de berger obstiné et retors ?
« François ! François !
– Oui, ma reine.
– Crois en moi et, un jour, la route qui mène au grand palais s’ouvrira devant toi. »
La scène a-t‑elle vraiment eu lieu ? D’ordinaire, les choses ne se passent pas comme ça, mais sait-on jamais ? Du côté du Béarn, aucun miracle n’a encore été signalé. François Bayrou aurait-il confondu la Vierge avec quelque facétieuse sorcière pyrénéenne ? Quoi qu’il en soit, il persiste à se croire appelé à un destin national. Trois fois déjà (2002, 2007, 2012), il s’est lancé dans l’aventure élyséenne. Il y a dix ans, il a même recueilli presque 19 % des suffrages au premier tour. Avant le second, sa roucoulade avortée avec Ségolène Royal restera dans l’histoire politique locale comme un rafraîchissant épisode burlesque.
Les pseudo-tourtereaux étaient convenus d’un rendez-vous nocturne au domicile parisien du patron du MoDem, afin de conclure un accord électoral : désistement en faveur de la candidate socialiste contre nomination à Matignon. Mais, au dernier moment, Bayrou pressentit un piège et refusa d’ouvrir sa porte. On aurait cru « un amoureux craignant la panne », commentera, frustrée, sa visiteuse du soir. Ils en resteront là. Et Sarkozy sera élu dans un fauteuil.
Cinq ans plus tard, Bayrou fit moins de 10% au premier tour et, comme pour remonter le temps perdu, appela ses électeurs à reporter leurs voix sur François Hollande. Las ! Celui-ci ne lui en eut aucune reconnaissance, ce qui, considérant la politique quasi centriste qu’il songeait déjà à mener, constitua sans doute la bévue fondatrice de son quinquennat. Quant à la droite, ce n’est pas demain qu’elle pardonnera à Bayrou sa « trahison ».
Fillon jouant sa partie très à droite et Benoît Hamon jouant la sienne très à gauche, un boulevard s’est ouvert au centre.
Au fond, le grand drame du patron du MoDem aura été la jalousie, la haine mille fois recuite qu’il éprouve pour Sarkozy. Plus jeune de quatre ans, plus vif et plus cynique, l’ancien « omniprésident » paraît prendre plaisir à déjouer les desseins de son rival.
Début 2014, à l’approche d’élections municipales qui s’annoncent désastreuses pour la gauche, Bayrou, qui multiplie désormais les attaques contre Hollande, apparaît irrémédiablement seul. C’est là qu’Alain Juppé entre en scène. Le maire de Bordeaux, qui mûrit déjà des visées élyséennes, entreprend de neutraliser l’« omni-opposant », comme le surnomme drôlement Daniel Cohn-Bendit, en lui sauvant la mise à Pau, son fief béarnais, où l’affaire paraît pour lui très mal engagée. La liste des Républicains se retire, celle de Bayrou est élue… L’habile Juppé, qui va vite émerger comme le grand favori de la présidentielle, semble avoir réussi son coup. Il ne lui reste plus qu’à parachever son ouvrage en remportant la primaire de la droite. On sait ce qu’il advint. Dès ce moment, la menace Bayrou reprend corps.
Sarkozy au tapis, le Béarnais reporte ses coups sur François Fillon, moins pour des raisons personnelles que politiques. Le Penelopegate va conforter cette stratégie. Depuis que le hobereau sarthois se trouve engagé dans un bras de fer avec la justice concernant les emplois présumés fictifs de son épouse et de ses enfants, Bayrou, moderne Savonarole, n’en finit plus de dénoncer les « puissances d’argent ».
Mais l’imprécateur est aussi un paysan madré : il sait compter. Il a bien vu que, Fillon jouant sa partie très à droite et Benoît Hamon, son concurrent socialiste, jouant la sienne très à gauche, un boulevard s’est ouvert au centre. Or les électeurs du nébuleux Emmanuel Macron, qui l’occupe pour l’instant, se montrent très inconstants : un sur deux est encore incertain de son choix. Bayrou, qui se fait fort de les débaucher, en est donc convaincu : son heure est enfin venue. Verdict le 23 avril, au soir du premier tour. Si bien sûr il se décide à franchir le Rubicon.
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