Mines : Endeavour-Acacia, futur numéro un de la filière or ?

Si rien n’est encore acté, les négociations ont débuté en vue d’un rapprochement entre les deux compagnies aurifères. Enquête en coulisses lors de la conférence Mining Indaba.

Mine d’Agbaou, exploitée par Endeavour, en Côte d’Ivoire. Ce pays est aujourd’hui la priorité du groupe en Afrique de l’Ouest. © CNW Group

Mine d’Agbaou, exploitée par Endeavour, en Côte d’Ivoire. Ce pays est aujourd’hui la priorité du groupe en Afrique de l’Ouest. © CNW Group

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 1 mars 2017 Lecture : 5 minutes.

Depuis la fuite dans les médias, en janvier, d’informations sur l’ouverture de discussions entre Endeavour et Acacia, les professionnels africains du secteur minier scrutent à la loupe les perspectives de rapprochement entre les deux compagnies aurifères. Début février, au Cap, le sujet a animé les conversations dans les coulisses de la grande conférence Mining Indaba.

« Si la fusion a lieu, créant un poids lourd de l’extraction d’or en Afrique, elle aura un fort impact sur le secteur. Et celui-ci, à la hausse ou à la baisse, dépendra de l’appréciation du marché sur cette transaction », estime le Congolais Kalaa Mpinga, fin connaisseur du secteur, ancien patron de Mwana Africa, présent au Zimbabwe, en Afrique du Sud et en RD Congo.

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La naissance d’un géant

« Sur le papier, la combinaison de deux grands acteurs complémentaires sur le continent – nous à l’Ouest [en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali], Acacia à l’Est [en Tanzanie] – fait sens, estime Sébastien de Montessus, directeur général d’Endeavour depuis juillet 2016. Installés dans des régions différentes, nous avons une stratégie semblable, alliant dépenses importantes d’exploration, sélection rigoureuse des projets développés et maîtrise des coûts d’exploitation. »

Reste à convaincre les actionnaires des deux groupes du bien-fondé financier d’une telle opération, et en particulier les deux principaux. Côté Endeavour, le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, qui détient 30 % du capital. Il est très impliqué dans ce dossier, comme il l’a été lors de la fusion entre sa compagnie La Mancha et Endeavour en 2015. Côté Acacia, la compagnie canadienne Barrick Gold, premier producteur d’or au monde (et quasi absent du continent), actionnaire à 64 %. Sébastien de Montessus estime que les opérations de due diligence, en cours, prendront deux mois.

Une fusion nécessaire… ou pas

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La décision aboutissant à la création du plus important acteur de la filière or sur le continent serait ainsi prise fin mars 2017. L’année dernière, Acacia a produit 830 000 onces (+ 13 %), et Endeavour 584 000 onces (+ 13 % également). Le nouvel ensemble produirait donc un peu plus de 1,4 million d’onces par an, ce qui lui permettrait de dépasser le géant Randgold Resources. Piloté par le Sud-Africain Mark Bristow, bien implanté dans l’ouest du continent et en RD Congo, mais guère en Afrique de l’Est, le leader du secteur sur le continent a produit 1,2 million d’onces en 2016.

Endeavour a plus besoin d’Acacia que l’inverse

Cependant, Sébastien de Montessus affirme ne pas être obnubilé par cette transaction. « Nous n’avons pas besoin de faire cette acquisition pour être heureux », a expliqué ce Français, ancien patron de la division mines d’Areva, lors de la conférence Mining Indaba, regrettant que l’opération ait fuité dès le début des négociations, en janvier 2017. Également présent, Brad Gordon, directeur général d’Acacia, ne s’est guère étendu sur le sujet, se bornant juste à confirmer la tenue de discussions.

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« Endeavour a plus besoin d’Acacia que l’inverse. Barrick Gold ne vendra Acacia à Endeavour que s’il en obtient un prix élevé, sinon il serait sorti du capital depuis bien longtemps », analyse Kalaa Mpinga, qui craint une destruction de valeur et même une restructuration du secteur aurifère sur le continent suite à cette opération si elle est menée trop hâtivement. « Le montage financier sera forcément complexe, Sébastien de Montessus devra bien s’entourer s’il veut réussir son projet », estime quant à lui un avocat occidental spécialisé dans ce type d’opérations.

De l’or à bas coûts

En attendant l’éventuelle conclusion et les modalités de cette fusion ou alliance, les équipes opérationnelles ­d’Endeavour, désormais pilotées depuis Abidjan, continuent de faire avancer leurs deux grands projets extractifs en cours : celui de la mine de Houndé, au Burkina Faso, dont l’exploitation doit démarrer au dernier trimestre de 2017, et celui de l’extension de la mine ivoirienne d’Ity, dont le chantier commencera en septembre 2017, pour une entrée en exploitation dix-huit mois plus tard.

Nous ne voyions plus l’utilité d’être en France, nous nous étions heurté à une complexité réglementaire dommageable

« Nous aurons investi près de 325 millions de dollars [environ 305 millions d’euros] pour la mine de Houndé à son démarrage et prévoyons un budget de quelque 300 millions de dollars pour l’extension de celle d’Ity. Grâce à ces deux projets, dont les coûts d’exploitation attendus sont très bas – autour de 550 dollars l’once –, nous descendrons en moyenne sur l’ensemble de nos mines à 850 dollars l’once en 2017 et à moins de 800 dollars en 2019, contre 1 137 dollars en 2013 », annonce Sébastien de Montessus, qui se targue de faire d’Endeavour « le premier groupe minier aurifère à bas coûts en Afrique », et ce alors qu’il s’attend à une appréciation des cours de l’or du fait des incertitudes géopolitiques du moment.

L’Afrique, sous-exploitée ?

Dans le même temps, le dirigeant minier fait valoir un budget d’exploration en forte hausse sur les cinq prochaines années, de 35 millions à 40 millions de dollars par an, contre 12 millions de dollars en 2016. Ses dernières acquisitions en date ? Des permis d’exploration dans les régions du Liptako et du Djado au Niger – un pays que connaît bien Sébastien de Montessus grâce à son parcours chez Areva –, ainsi qu’en Guinée, près de Siguiri.

« L’Afrique de l’Ouest est une zone encore sous-explorée, c’est en investissant maintenant dans l’exploration que nous débusquerons les gisements à bas coûts de demain », affirme le directeur général d’Endeavour, qui cible par ordre de priorité la Côte d’Ivoire, qui a selon lui le potentiel le plus important, suivi du Burkina Faso, du Mali, du Niger et de la Guinée.

Son potentiel futur partenaire, Acacia, premier producteur d’or de Tanzanie, avec trois mines et un important portefeuille d’exploration, a déjà un pied dans la zone. Il dispose de quatre petits permis au Burkina Faso et d’un permis au Mali.

DES ÉQUIPES ENCORE PLUS PROCHES DU TERRAIN

Jadis chantre de la relance du secteur minier en France, aujourd’hui très réduit, Sébastien de Montessus s’est résolu fin 2016 à déménager son siège social – et ses équipes des fonctions support – de Paris à Londres.

« La proximité avec les milieux financier et minier de la City était nécessaire, et nous ne voyions plus l’utilité d’être en France après l’abandon de notre projet minier en Creuse, qui s’est heurté à de fortes résistances locales et à une complexité réglementaire dommageable », explique-t‑il. Surtout, Endeavour a installé sa direction opérationnelle des projets à Abidjan. « Nous avons énormément gagné en réactivité.

Nous pouvons nous rendre en moins d’une heure et demie en avion sur nos projets miniers ouest-africains, où nous avons des pistes d’atterrissage. Nous y avons mutualisé une partie de nos achats de produits, tels que le cyanure, crucial pour l’extraction. Et nous pouvons davantage capitaliser sur les modèles d’exploitation et le design des mines, faire tourner nos équipes et les former sur différents projets », fait-il valoir.

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