Racisme : « Personne n’irait dire « white » pour désigner un Blanc »
Si nombre de termes racistes ont été évacués du discours public, ils restent présents dans l’inconscient, dans l’imaginaire. La linguiste Marie Treps répond à Jeune Afrique après la publication de son essai « Maudits Mots ».
Jeune Afrique : Que vous inspire l’emploi du terme « bamboula » ?
Marie Treps : Il montre bien les contradictions de notre époque. D’un côté, des mots tels que celui-ci ont été enfouis. On ne les emploie plus dans une société française qui se veut politiquement correcte. Et d’ailleurs une loi adoptée le 1er juillet 1972 a pénalisé les discours de haine racistes en créant un délit nouveau de provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence. Ces maudits mots-là ne doivent plus, ne peuvent plus être employés.
On met du sucre autour d’un poison, mais le poison est toujours là.
Et, pourtant, on le voit bien actuellement, il y a des résurgences. Souvenez-vous aussi de cette ancienne élue FN qui avait comparé Christiane Taubira à une guenon ou de la sortie de Jean-Paul Guerlain sur les « nègres ». Au-delà de ces débordements, les ténors racistes de certains partis politiques ou des amuseurs publics parlent aujourd’hui plus par insinuation ou utilisent des euphémismes. On met du sucre autour d’un poison, mais le poison est toujours là. Les termes « bamboula », « bougnoule », « youpin »… ne se disent plus, mais ils font partie de notre imaginaire, de notre inconscient.
Internet a-t-il libéré une parole raciste ?
Bien sûr. Dans les commentaires des articles publiés en ligne, ou sur les réseaux sociaux, on le voit bien, l’anonymat permet beaucoup de choses. On peut aujourd’hui dire n’importe quoi, à n’importe qui et n’importe quand. Grâce à internet, les termes qui étaient exclus du débat, qu’on prononçait seulement dans une sphère très privée, reviennent sur la place publique.
Certains termes comme « black » sont aujourd’hui vécus comme des mots racistes. Pourquoi ?
Emprunté à l’anglo-américain, le mot a d’abord été employé dans les années 1980 pour se substituer à « nègre ». On a parlé de « musique black » pour ne plus dire « musique de nègres ». Dans les années 1990, le mot est devenu particulièrement populaire avec l’équipe « black, blanc, beur » du Mondial de foot. Aujourd’hui, au contraire, il est ressenti comme péjoratif.
C’est un terme d’évitement, comme on peut dire « minorité visible » ou « personne issue de la diversité ». Mais, si on utilise ces expressions, c’est bien qu’on est gêné par quelque chose, et donc qu’il y a bien un problème qui persiste. Personne n’irait dire « white » pour désigner un Blanc.
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