Plan d’action
Je commenterai, ci-dessous, deux informations qui me sont parvenues cette semaine et qui me paraissent importantes ou significatives. La seconde n’est pas encore dans les médias.
La première, dont la presse a longuement parlé, pourrait relancer le débat sur la Cour pénale internationale (CPI) et ses relations avec notre continent.
Des pays africains ont quitté la CPI, d’autres s’apprêtent à le faire ; l’opinion africaine est majoritairement hostile à cette institution, qu’elle juge « biaisée ». L’Union africaine (UA) elle-même s’interroge : demandera-t‑elle à ses trente-quatre États membres qui ont signé et ratifié le traité de Rome instituant la CPI de revenir en arrière* ?
À Jeune Afrique, nous sommes favorables à la CPI, qui représente à nos yeux, malgré ses défauts, un immense progrès de la justice internationale. Pour ma part, je suis plus que favorable à la participation d’un maximum d’États africains à cette institution.
Ne serait-ce que parce qu’elle terrorise les dictateurs, qui tous la craignent et la détestent.
Je sais que nous sommes minoritaires en Afrique et le regrette.
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Mais voici que le nouveau président de la Gambie, Adama Barrow, qui a succédé au dictateur Yahya Jammeh, nous donne raison.
Parmi ses toutes premières décisions, une lettre au secrétaire général de l’ONU par laquelle il invalide celle de Jammeh annonçant à cette même ONU que la Gambie quittait la CPI.
Nous approuvons le nouveau président de la Gambie et le félicitons de rallier le camp de ceux qui veulent le maintien de la CPI et sa réussite.
Coûteuse, excessivement lente, donnant l’impression fausse que c’est une « justice de Blancs » qui ne s’en prend qu’à des dirigeants noirs, elle observe scrupuleusement les règles d’une bonne justice : ceux qui comparaissent devant elles sont bien défendus et ont tout le loisir de s’exprimer.
Personne jusqu’ici n’a trouvé à redire aux jugements qu’elle a rendus.
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Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a donc été reçu à Washington par le nouveau président des États-Unis, Donald Trump, du 13 au 16 février. Il savourait visiblement le plaisir d’avoir survécu politiquement à Barack Obama et de ne pas avoir cédé à ses pressions.
Le couple Trump a reçu le couple Netanyahou en amis, voire en complices. Le voyage avait été minutieusement préparé, en particulier par Jared Kushner, gendre du président américain.
Marié à Ivanka, la fille de Donald Trump, elle-même convertie au judaïsme, Jared Kushner a 36 ans. C’est un homme de droite, cultivé et fortuné. Juif orthodoxe, il aime Israël passionnément depuis toujours. Benyamin Netanyahou, proche de son père, le connaît depuis longtemps.
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Son beau-père l’a placé au-dessus de tous ses autres collaborateurs et l’a chargé expressément de résoudre le problème israélo-palestinien, de réinstaller les États-Unis au Moyen-Orient.
Il lui a dit, à haute voix pour que tout le monde entende : « Si tu ne parviens pas à faire la paix au Moyen-Orient, personne d’autre n’y arrivera. »
Jared Kushner a déjà obtenu que le voyage de Benyamin Netanyahou à Washington serve à élaborer l’esquisse d’un plan d’action américano-israélien pour l’ensemble du Moyen-Orient. Ce n’est pour l’heure qu’une esquisse appelée à être précisée et affinée, mais ses grandes lignes ne changeront pas.
Par chance, une source, que je crois sûre, m’a indiqué ce que sont ces grandes lignes, sans me demander de les garder pour moi. Je vous livre donc ce que j’ai appris et c’est une exclusivité Jeune Afrique.
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Il y a un siècle, par l’intermédiaire de MM. Sykes et Picot, qui passeront à la postérité, le Royaume-Uni et la France, alors au faîte de leur gloire, ont dessiné la carte du Moyen-Orient et se sont partagé la région.
Ils ne sont plus aujourd’hui ce qu’ils ont été, n’ont plus guère de poids au Moyen-Orient, où l’Europe occidentale, dans son ensemble, brille par son absence.
En 2017, il reviendra à deux autres puissances, l’une, Israël, d’implantation récente, l’autre, les États-Unis, extérieure à la région, de reprendre le flambeau afin de remodeler la carte du Moyen-Orient.
Elles ont commencé à le faire à Washington le 15 février et n’ont pas éprouvé le besoin de consulter ni même d’informer les pays de la région, quel que soit leur poids.
Elles n’ont fait aucune place à l’Europe occidentale, mais ont prévu un rôle pour la Russie, considérée comme un ayant droit.
Voici, selon ma source, ce que Donald Trump et Benyamin Netanyahou ont arrêté.
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1) L’État palestinien, s’il peut être créé, ne le sera que lorsqu’on aura trouvé une direction palestinienne qui accepte les conditions sine qua non posées par Netanyahou.
Il sera indépendant de nom mais, en réalité, seulement autonome, contrôlé, démilitarisé et délimité par des frontières qui tiennent compte « des faits accomplis ». Sa direction devra reconnaître Israël comme État juif, ou l’État des Juifs.
Les auteurs de ce plan ne pensent pas que Mahmoud Abbas, qui n’en a ni l’autorité ni l’âge, pourra le diriger. Ni d’ailleurs qu’il accepte de le faire.
Le nom de Salam Fayyad, ancien Premier ministre, a été évoqué et, en attendant d’arrêter une position, Israël et les États-Unis se sont opposés à ce que l’ONU le désigne comme représentant du secrétaire général pour la Libye.
2) Israël, l’Égypte et l’Arabie saoudite forment le trépied sur lequel repose l’équilibre de la région. Les deux derniers sont arabes sunnites.
Les trois pays se coordonnent et coordonnent leur action avec les États-Unis.
L’Égypte est chargée de pacifier la Libye et d’en contrôler l’évolution. Elle a commencé à le faire et on devra lui en fournir les moyens.
3) La Turquie pose un problème à cause de sa situation intérieure et de l’orientation islamiste de son président.
Elle pourrait être chargée d’aider Gaza et de contenir les excès de ses dirigeants.
4) La Russie. Alliée de l’Iran et de la Syrie, ennemie de l’islamisme radical, elle a de bonnes relations avec Israël et sera un partenaire des États-Unis.
Elle est la mieux placée pour que l’axe chiite (Bagdad, Téhéran, Hezbollah, Damas) soit contenu dans ses limites actuelles.
On lui proposera de constituer un directoire avec les États-Unis et Israël. Il sera secret, limité à la région et à la lutte contre l’islam radical.
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Si les informations ci-dessus sont exactes, comme je le crois, ce plan constituera le cadre général d’une politique faisant du Moyen-Orient une zone dirigée par un triumvirat : États-Unis, Russie, Israël.
Les prochains mois nous montreront comment réagiront les pays qu’il encadrera.
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