Mobile : la fièvre du numérique s’empare des banques kényanes
Pour suivre le rythme des opérateurs de télécoms, les établissements financiers accélèrent les investissements dans les applications mobiles.
Se dirige-t-on vers la fin des agences traditionnelles ? Pour les banquiers kényans, pas question de laisser le hasard répondre à cette question. Qu’il s’agisse de leurs pôles corporate, investissement ou retail, ils se tournent désormais vers un même scénario lorsqu’il s’agit de vendre leurs produits financiers à des prix plus abordables.
« Nous pensons que les applications mobiles bancaires vont nous permettre d’atteindre de nouveaux clients », a affirmé début février Ade Ayeyemi, le directeur général du groupe panafricain Ecobank, en déplacement à Nairobi pour le lancement d’Ecobank Mobile App. Ce n’est guère un hasard si le Nigérian a choisi cette capitale pour cette opération : Barclays Bank of Kenya, Kenya Commercial Bank, Equity Bank et Standard Chartered ont déjà tous dévoilé les leurs.
Transactions dématérialisées
Les établissements bancaires intensifient leurs investissements dans les technologies mobiles et en ligne afin de répondre à la demande croissante pour les « porte-monnaie virtuels ». Une majorité de clients souhaite avoir accès à davantage de transactions dématérialisées. Standard Chartered (1,4 milliard de dollars de revenus en Afrique en 2015, soit environ 1,3 milliard d’euros) vise 1 million de clients via son application mobile dans ses principales implantations africaines. Le groupe prévoit que 35 % de toutes ses transactions se feront en ligne et sur mobile en 2017.
« L’offre numérique est une approche d’optimisation de notre réseau qui vise à répondre aux demandes de nos clients corporate comme individuels. Elle permet de transférer des fonds à travers 33 pays, et à Ecobank de devenir le moteur du commerce en Afrique », souligne Ade Ayeyemi. Pour le dirigeant, le déploiement efficace de ses applications mobiles en partenariat avec d’autres acteurs permettrait à la banque d’attirer 100 millions de clients.
Agences menacées
De fait, la croissance rapide des services bancaires mobiles et en ligne menace les offres plus traditionnelles. Au Kenya, 38,5 millions de clients les utilisent pour transférer des fonds depuis leur mobile vers leur compte bancaire. Mohamed Nyaoga, président de la Banque centrale du Kenya (CBK), attribue la rapidité de cette croissance dans son pays à « l’environnement économique favorable » créé par le régulateur, qui permet aux banques comme aux opérateurs de télécoms d’utiliser les solutions de paiement via les technologies numériques.
Les technologies numériques, aujourd’hui disponibles, aident les banques à réduire les coûts d’agences
D’abord centré sur les transferts de fonds entre abonnés au téléphone mobile et le règlement de factures, l’application de Safaricom M-Pesa a peu à peu étendu son périmètre sous l’impulsion des banques, qui l’utilisent pour diminuer leurs coûts opérationnels.
Selon Jeremy Awori, directeur général de Barclays Bank of Kenya, l’un des premiers établissements à avoir, en juin 2013, lancé son application, il faut une nouvelle approche de la banque, centrée sur le « clic d’un bouton magique » pour répondre à la demande croissante de transactions dématérialisées. « Nous savons que plus nous étendons les réseaux d’agences, plus les coûts opérationnels sont élevés. Les technologies numériques aujourd’hui disponibles aident les banques à réduire ces coûts. »
Liberté et contrôle
Un avis que partage James Mwangi, directeur général d’Equity Bank, autre pionnier des services mobiles. Entre janvier et septembre 2016, son ratio coût-revenu a chuté à 49 %, contre 53 % un an plus tôt, et ses 25 000 agents qui se consacrent aux opérations numériques ont réalisé 46 millions de transactions, contre 35 millions aux guichets. Même dans le pôle banque d’affaires, la valeur des transactions digitales a crû de 38 % et leur volume, de 35 %.
« Les tendances de la banque de détail vont vers la fin du modèle de l’agence commerciale comme canal de transaction. Les clients adoptent de plus en plus les plateformes technologiques, qui leur offrent liberté, choix et contrôle », déclarait en octobre 2016 James Mwangi, lors du lancement d’Eazzy Banking, l’application phare d’Equity Bank. Parallèlement, le nombre de transactions d’Equitel, son application sur carte SIM ultrafine, a augmenté de 308 % depuis son lancement, en 2015.
Nous devons veiller à ce que la réglementation bancaire suive le rythme de la croissance de la technologie
Sur les 4,3 millions de clients qui utilisent Equitel, 3,5 millions ont obtenu un prêt grâce à elle. Ce qui représentait, à la fin de septembre 2016, 291 millions de dollars, soit 84 % des prêts accordés par Equity Bank au Kenya. Avec Eazzy Banking, le groupe, présent dans cinq pays, vise 100 millions de clients dans les dix années à venir, contre 11 millions aujourd’hui.
Étendre le réseau de fournisseurs
Mais une adaptation est nécessaire. Comme l’a déclaré Mwangi : « La technologie encourage l’innovation et crée de la croissance dans le secteur des services financiers, ce qui perturbe la façon dont les affaires sont menées traditionnellement. » « Nous devons veiller, a reconnu Mohamed Nyaoga, à ce que la réglementation bancaire suive le rythme de la croissance de la technologie, qui est très rapide. Nous encourageons cette évolution car nous savons qu’elle aidera à soutenir la croissance au Kenya. »
L’application d’Ecobank, qui combine une variété de services, est accessible depuis n’importe quel pays du continent. Ce qui fait de la banque le premier opérateur panafricain. « Nous voulons faire appel à différents fournisseurs de technologies dans le processus de numérisation de nos services bancaires. Il est inutile de prétendre être omniprésent lorsqu’on ne travaille qu’avec un seul fournisseur », a déclaré Ayeyemi.
Le Kenya en avance dans les technologies nuémriques
Le patron d’Ecobank reconnaît que les clients du groupe se connectent à leurs comptes depuis leur téléphone en utilisant différentes plateformes, y compris mVisa et Masterpass, fournies par Visa et Mastercard. La solution mVisa permet aux clients de faire des achats en ligne après avoir lié leur compte à une carte de crédit ou à un compte prépayé. « Le Kenya est très en avance par raport à de nombreux pays de la région sur les questions des technologies numériques. Celle lancée par Ecobank est une solution maison et une véritable indication que nous sommes sans égal dans ce domaine », s’est réjoui Nyaoga.
Une image idyllique pour les établissements kényans, qui voient le passage à la banque mobile comme la solution à la plupart des difficultés de l’industrie bancaire. Néanmoins, le volume de prêts traité sur mobile représente un pourcentage encore faible de ce qu’accordent les 45 banques commerciales agréées. Mais Kenya Bankers Association (KBA), lobby industriel, a annoncé mi-février le développement de PesaLink, une plateforme interbancaire pour les services financiers mobiles.
Pour Habil Olaka, patron de KBA, cette application améliorera l’efficacité de l’intermédiation bancaire et en réduira le coût. Elle devrait par ailleurs faciliter les transactions sur téléphonie mobile dans quelque 12 grandes banques du pays.
PAIEMENT MOBILE : DES TRANSACTIONS EN HAUSSE
Selon le dernier rapport de la Communications Commission of Kenya, le régulateur des télécoms, les transactions réalisées avec les services de paiement mobile tels que M-Pesa, Airtel Money ou Orange Money à travers le Kenya ont atteint 10,5 milliards de dollars entre juin et septembre 2016. Derrière M-Pesa (78,7 % des montants transférés) se trouve Equitel, d’Equity Bank (20 %), loin devant Orange (1 %)
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