« Le Ventre des femmes » : et il est comment le dernier… Françoise Vergès ?

C’est une véritable charge que signe Françoise Vergès, politologue, militante féministe et antiraciste française. « Le Ventre des femmes », sous-titré Capitalisme, racialisation, féminisme, relève à la fois de l’enquête historique et du pamphlet.

La politologue Françoise Vergès. © Parti socialiste/Flickr

La politologue Françoise Vergès. © Parti socialiste/Flickr

CRETOIS Jules

Publié le 24 mars 2017 Lecture : 2 minutes.

Les faits consignés viennent ici servir un propos assumé. Le livre retrace l’histoire oubliée de milliers d’avortements sans consentement pratiqués sur l’île de La Réunion dans les années 1960 et 1970. À l’époque, l’avortement est illégal en France. Pourtant, les faits sont là. À La Réunion, en juin 1970, une affaire révèle que plusieurs médecins pratiquent des interruptions de grossesse non désirées, souvent suivies d’opérations de stérilisation. Des journaux comme Le Nouvel Observateur ou Le Monde parlent de plusieurs milliers d’avortements sur la seule année 1969, encouragés en toute impunité par les autorités.

Politique antinataliste

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Les coupables s’en tirent à bon compte : l’île est à l’époque tenue par une poignée de puissants qui ne tolèrent que peu les voix discordantes. Et ces actes, pour l’auteure, ne sont pas que les abus d’une poignée. Vergès rappelle qu’à l’époque le député de La Réunion opposé à l’interruption de grossesse en France se fait le champion d’une sévère politique antinataliste sur l’île : pour lui, les Réunionnaises « ont des enfants sans compter », ce qui favorise « la fainéantise ».

« Nous devons être conscients que la poussée démographique, si elle n’est pas freinée, peut mettre en péril la départementalisation », soutient l’État français. Et l’opinion publique de se plaindre des coûts sociaux qu’imposeraient les supposées trop nombreuses naissances dans les DOM.

Le contrôle du corps, de l’esclavage à la société post-coloniale

Arguments productivistes ou policiers et fantasmes racistes s’additionnent pour parvenir à une conclusion : « Les femmes non blanches font trop d’enfants… » Vergès, d’origine réunionnaise, réassemble les archives, articule les débats médiatiques, les pratiques médicales et les choix politiques pour déployer sa critique d’un système qui, après avoir altéré la croissance démographique par la colonisation, tient à juguler les naissances.

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Elle refuse de considérer cet épisode réunionnais comme un fait à part. Mieux, elle le replace dans une longue histoire, qui passe par l’esclavage, du contrôle des corps – notamment de celui des femmes – dans les colonies, et le relie à la politique de natalité « racialisée » du gouvernement américain imposée aux femmes noires à la même époque. Limpide et furieux.

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