Présidentielle en France : avant Emmanuel Macron, d’autres candidats non-alignés ont essayé
Emmanuel Macron peut-il échapper à la malédiction qui, depuis plus d’un demi-siècle, semble frapper ceux qui ne se reconnaissent ni dans la droite ni dans la gauche ?
Depuis la première élection du président de la République française au suffrage universel direct, en 1965, plusieurs candidats centristes ont été en position d’accéder à l’Élysée. À l’exception de Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, tous ont finalement échoué. C’est que la bipolarisation de la politique française entre la droite et la gauche a longtemps été une loi d’airain.
Le livre que notre confrère Gérard Courtois, du Monde, vient de consacrer à l’histoire des scrutins présidentiels sous la Ve République* nous rafraîchit utilement la mémoire. Que d’occasions manquées !
En 1965, Jean Lecanuet, un sénateur presque inconnu surnommé le « Kennedy français », met en difficulté le général de Gaulle et François Mitterrand, candidat de la gauche unie. Il mène une campagne « à l’américaine », crève l’écran lors des débats télévisés, décolle dans les sondages, puis retombe : il n’accède pas au second tour.
En 1969, après la démission du Général, Alain Poher, président du Sénat, assure l’intérim puis se lance. Il fait longtemps la course en tête, mais loupe sa campagne et ne peut résister au retour de Georges Pompidou, qui l’emporte aisément.
En 1988, après deux ans de cohabitation, le placide Raymond Barre, ancien Premier ministre et universitaire distingué, est pris sous les feux croisés de ces deux grands fauves de la politique que sont François Mitterrand et Jacques Chirac. Il ne fait pas le poids dans cette « bataille de chiffonniers » et se trouve sèchement éliminé au premier tour.
En 1995, face à Édouard Balladur, son « ami de trente ans » qu’il a imprudemment installé à Matignon pendant la deuxième cohabitation, Chirac perd vite pied. La plupart de ses soutiens, à commencer par un certain Nicolas Sarkozy, l’abandonnent, tandis que son rival plane dans les sondages. Quand tout paraît perdu, la machine Balladur s’enraye et le maire de Paris, qui s’engage avec fougue à « réduire la fracture sociale », réussit un miraculeux retournement de situation : deuxième au premier tour, il l’emporte au second face au socialiste Lionel Jospin. Bye-bye, Édouard !
Sept ans plus tard, le match retour attendu entre Chirac et Jospin tourne court. C’est Jean-Marie Le Pen qui décroche la timbale au premier tour avant d’exploser en vol au second. Centriste béarnais peu connu, François Bayrou commence à tracer son sillon. Mais sa candidature « de témoignage » divise profondément l’UDF, le parti fondé par Giscard, dont il est membre. Il obtient 6,8 % des voix au premier tour.
En 2007, dans l’ombre du duel au sommet entre Sarkozy, qui a pris le contrôle du parti gaulliste, et Ségolène Royal, soutenue du bout des lèvres par les éléphants socialistes, Bayrou dénonce le « choix préfabriqué » que tentent selon lui d’imposer les grands groupes audiovisuels et réussit une percée inespérée : 18,6 % des suffrages au premier tour. Mais que faire de ce pactole ? En bon centriste, il tergiverse. Appeler à voter Sarko, qu’il hait : il s’y refuse. Déposer publiquement son offrande aux pieds de Ségo ? Il n’ose. L’occasion de s’inviter dans la cour des grands était belle. Elle est manquée.
Bayrou paiera le prix de son indécision lors du scrutin suivant. Avec 9,1 % des suffrages au premier tour, son échec est en effet patent. Reste à monnayer ce capital habilement. Entre les deux tours, il rompt définitivement les ponts avec la droite et appelle à voter pour François Hollande, qui, une fois élu, ne lui en témoignera aucune reconnaissance. L’ingratitude des vainqueurs est sans remède.
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