Guinée : et « Toumba » tomba

Après sept ans de cavale, Aboubacar Sidiki Diakité a été extradé vers son pays. Un espoir pour tous ceux qui attendent que soient jugés les auteurs présumés du massacre du 28 septembre 2009.

L’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara à la sortie de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar, le 10 janvier 2017. © SEYLLOU/AFP

L’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara à la sortie de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar, le 10 janvier 2017. © SEYLLOU/AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 24 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

Il est un peu plus de 19 heures, ce dimanche 12 mars, lorsque le commandant Aboubacar Sidiki Diakité, dit « Toumba », foule le tarmac de l’aéroport de Conakry. Au pied de la passerelle de l’Airbus A330-300 de Brussels Airlines, en provenance de Dakar, une escouade des forces de sécurité l’attend de pied ferme. L’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara est ensuite immédiatement conduit dans une cellule aménagée de la maison d’arrêt centrale, à l’écart des autres détenus, afin de préserver sa sécurité.

Fin de cavale 

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« Toumba » Diakité aurait sans doute préféré un autre scénario pour son retour au pays, sept ans après l’avoir quitté précipitamment. Le 3 décembre 2009, sa tentative d’assassinat sur son ex-patron l’avait contraint à fuir la Guinée. Les deux protagonistes se renvoyaient la responsabilité du massacre commis le 28 septembre précédent au stade de Conakry.

Alors qu’il était visé par un mandat d’arrêt international pour son implication présumée dans cette tuerie de masse, sa cavale a pris fin le 16 décembre 2016, à Dakar, où il a été arrêté. Il y vivait depuis plusieurs années sous un nom d’emprunt, en ayant pris soin de changer de look. Son avocat sénégalais, Me Baba Diop, a eu beau s’opposer à son extradition et dénoncer un « excès de pouvoir », il est aujourd’hui entre les mains de la justice guinéenne.

Soif de justice 

Souvent critiquée pour sa lenteur dans ce dossier, celle-ci n’a, cette fois, pas traîné. Un peu moins de quarante-huit heures après son arrivée à Conakry, « Toumba » a été entendu sur son lieu de détention par les trois juges d’instruction chargés de l’enquête sur le massacre du 28 septembre, lors duquel près de 160 personnes avaient été tuées et plus d’une centaine de femmes violées par des militaires ou des policiers. Considéré comme l’un des principaux suspects, il est aujourd’hui formellement inculpé d’une quinzaine de chefs d’accusation, dont des faits de « meurtres, viols » ou encore « torture ».

L’ouverture du procès paraît désormais envisageable d’ici au début de l’année 2018

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« Il s’agit d’une avancée significative dans la procédure. Nous nous acheminons désormais vers une clôture rapide de l’instruction », se félicite Cheick Sako, le ministre guinéen de la Justice. L’inculpation du commandant Diakité relance surtout l’espoir de voir se tenir enfin un procès attendu depuis plus de sept ans par les familles de victimes. « Son ouverture d’ici à la fin de 2017, voire le début de l’année 2018, paraît désormais envisageable », explique une source proche du dossier.

Quatorze inculpés

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Outre « Toumba », quatorze militaires – dont sept hauts responsables de l’ex-junte – ont déjà été inculpés dans cette affaire. La plupart ont été laissés en liberté sous contrôle judiciaire, et certains sont toujours officiellement en fonction, à l’image de Claude Pivi, ancien ministre chargé de la sécurité présidentielle et actuel chef de la garde présidentielle, ou de Moussa Tiegboro Camara, ex-commandant d’une unité d’élite de la gendarmerie et aujourd’hui secrétaire d’État chargé de la lutte antidrogue.

De son côté, Moussa Dadis Camara, chef de la junte à l’époque des faits, vit exilé à Ouagadougou depuis 2010. Également inculpé, il a toujours affirmé qu’il était prêt à venir donner sa version des faits devant un tribunal guinéen le moment venu. « Encore faut-il qu’il ne change pas d’avis, auquel cas il faudrait envisager dès maintenant les moyens de le présenter à la cour le jour du procès », estime Florent Geel, responsable Afrique à la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Sékouba Konaté, l’ex-numéro deux de la junte, n’a, quant à lui, pas encore été entendu et se trouve toujours à l’étranger.

La perspective d’un procès se rapprochant, ses modalités commencent à faire débat. Où organiser un tel événement judiciaire ? Et, surtout, avec quels moyens ? Plusieurs bailleurs ont déjà annoncé qu’ils aideraient les autorités guinéennes à relever ce défi, comme l’Union européenne et les États-Unis, qui ont promis environ 1 million d’euros d’aide chacun pour que justice soit enfin rendue.

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