Égypte : Hosni Moubarak, un innocent aux mains sales
Après six ans de procédure judiciaire, l’ex-président égyptien recouvre la liberté. Il était accusé de complicité dans la mort de manifestants lors des révoltes de 2011.
Les images de Hosni Moubarak derrière les grilles de l’académie de police du Caire, tantôt allongé sur une civière, tantôt assis sur un fauteuil, entouré de ses deux fils, Alaa et Gamal, vêtus de blanc, avaient fait le tour du monde en 2011. Elles disaient combien la chute pouvait être dure pour des puissants tels que Moubarak, le Tunisien Ben Ali ou le Libyen Kadhafi. Si ces deux derniers, qui ont connu le même sort que l’autocrate du Caire, n’ont pas eu à répondre de leurs actes, lui n’a pas échappé à la justice.
Il était accusé de complicité dans la mort de 239 personnes lors des manifestations.
Mais ces images de Moubarak, aujourd’hui âgé de 88 ans, dans le box des accusés relèvent désormais d’une époque révolue. Lundi 13 mars, le parquet égyptien a accepté de le remettre en liberté au terme de près de six ans de procédure judiciaire. La décision du parquet faisait suite à celle du juge de la Cour de cassation, qui a prononcé, jeudi 2 mars, l’acquittement définitif de l’ancien raïs.
Il était accusé de complicité dans la mort de 239 personnes lors des manifestations qui avaient conduit à son départ, le 11 février 2011, après trente ans de règne sans partage. Le même juge a par ailleurs rejeté la demande des avocats des familles de victimes qui réclamaient l’ouverture de procès en civil.
Maintenu en résidence surveillée à l’hôpital militaire de Maadi, un quartier chic du Caire, Moubarak pourrait « rentrer chez lui lorsque les médecins diront qu’il peut sortir », déclarait son avocat, Me Farid al-Deeb, en précisant que son célèbre client n’était toutefois pas autorisé à voyager à l’étranger.
Enquête toujours en cours
En effet, l’ex-homme fort du régime égyptien fait toujours l’objet d’une enquête du département des gains illicites du ministère de la Justice, chargé de la surveillance et de la traque des fortunes frauduleuses.
Pas de quoi inquiéter le vieux pharaon, qui revient de très loin. Jugé dès le mois d’août 2011, Moubarak était poursuivi pour complicité de meurtres et pour corruption.
La justice lui reprochait, ainsi qu’à son ex-ministre de l’Intérieur et à six autres conseillers à la sécurité, d’avoir fourni des véhicules et des armes aux forces de l’ordre pour réprimer dans le sang les manifestations de janvier et de février 2011 et de n’avoir pas empêché la répression, qui a fait plus de 850 victimes.
Elle lui reprochait en outre d’avoir perçu, avec ses deux fils ainsi que son ancien ministre du Pétrole, des commissions substantielles dans le cadre de contrats d’exportations de gaz vers Israël.
Un goût amer
Condamné en première instance en juin 2012 à la prison à vie, Moubarak a fini par être lavé de toutes les accusations après plusieurs procès à rebondissements. D’autres responsables, qui étaient visés par les mêmes chefs d’inculpation, ont été acquittés. La reprise en main du pouvoir par l’armée dès 2013, à la suite du coup d’État du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, qui a longtemps servi sous les ordres de Moubarak, contre le président Mohamed Morsi, n’est sans doute pas étrangère à la réhabilitation de ce dernier par voie de justice. Elle signe à coup sûr la fin de la révolution du 25 janvier.
Évidemment, cet acquittement laisse un goût amer aux proches des victimes et aux millions d’Égyptiens qui avaient suivi, dans un climat passionnel, ce « procès du siècle ». Pourtant, « Moubarak, c’est de l’histoire ancienne, juge Khaled Daoud, journaliste et figure de l’opposition. Désormais, les gens se préoccupent des problèmes économiques, des violations actuelles des droits humains et de la situation dans le Sinaï ».
Dans sa chambre, à l’hôpital de Maadi, Moubarak peut savourer à loisir la phrase prononcée le jeudi 2 mars par le juge de la Cour de cassation : « La cour déclare l’accusé innocent… »
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