Musique : Batuk, inclassable groupe sud-africain
Le trio sud-africain défend sur scène une musique libérée, mêlant transe, house et slogans provocateurs. Impossible de coller une étiquette à ce groupe bourré d’énergie.
Après un concert fiévreux à guichets fermés au Badaboum, scène montante de l’électro à Paris, Batuk savoure un instant de répit près des loges.
Carla Fonseca, la chanteuse du groupe, crâne rasé et salopette, sirote une pinte de bière sans chercher à cacher son bonheur. Malgré la barrière de la langue (presque tous les titres interprétés sur scène étaient en portugais), le public français a sué à grosses gouttes et scandé en chœur les refrains engagés du trio, souvent sans les comprendre.
Nous, la génération post-apartheid, on peut faire ce qu’on veut, donc on ne s’en prive pas
C’est peut-être ça la magie de Batuk, s’affranchir des frontières par-delà les langues, en misant sur une afro-house libératrice. « Nos grands-parents, nos parents n’ont pas eu l’opportunité de faire ce qu’ils désiraient… Nous, la génération post-apartheid, on peut faire ce qu’on veut, donc on ne s’en prive pas », commente Spoek Mathambo, tête pensante à l’origine de la création du groupe. « Let’s get the party on! » (« faisons la fête ! ») résume Aero Manyelo, DJ et troisième membre du trio avec un rire communicatif.
Sa popularité, Batuk l’a acquise au culot, en pulvérisant les codes. La chanteuse est d’abord une comédienne, formée à l’art dramatique à l’université du Cap. « C’est Spoek qui a su discerner mes qualités et m’a convaincue de me lancer dans ce projet », se souvient-elle.
Des influences musicales mouvantes
Le premier EP, Música da terra, sorti en 2016, est chanté quasi uniquement en portugais, la langue parlée par le père de Carla Fonseca, originaire du Mozambique. Mais le suivant, annoncé pour dans quelques mois, piochera dans les langues sud-africaines.
Les influences musicales sont tout aussi mouvantes, avec des unions polygames entre zouk, techno européenne, hip-hop et rythmiques africaines. Le projet est d’ailleurs panafricain, avec la participation de musiciens ougandais (Giovanni Kiyingi, Annet Nandujja, Nilotica), congolais (Lebon) et mozambicains (Grupo Zore, Grupo Makarita). Bref, impossible de mettre une étiquette claire sur ce joyeux mélange des genres.
« Puta », l’hymne vengeur
Le fil rouge ? Une énergie débordante peut-être liée à cette liberté retrouvée. L’envie de tout dire, et de le dire vite. C’est Carla qui écrit les textes. Entre les chansons d’amour, sur scène, on l’entend crier des mots d’ordre contre l’homophobie, le sexisme et le racisme. Puis interpréter un titre qui sort du lot : « Puta », composé après que la chanteuse, en tournée européenne avec son groupe, a été saisie et injuriée par un passant.
Basse lourde, refrain entêtant, la chanson est devenue un hymne vengeur contre toute forme de harcèlement. Si la bientôt trentenaire souhaite que les femmes acquièrent les mêmes droits que les hommes, qu’elles puissent affirmer leur sexualité, elle ne se reconnaît pas dans un féminisme parfois trop extrême à son goût. Impossible de coller une étiquette, on vous dit.
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