Cameroun : les Bamilékés, puissants ? Témoignages de « non-Bamis »

Influence fantasmée ou réelle, leur pouvoir ne laisse pas indifférent. Trois personnalités témoignent.

Le professeur et auteur Fabien Eboussi Boulaga, dans sa maison à Mimboman, Yaoundé. © Adrienne Surprenant pour JA

Le professeur et auteur Fabien Eboussi Boulaga, dans sa maison à Mimboman, Yaoundé. © Adrienne Surprenant pour JA

Clarisse

Publié le 12 avril 2017 Lecture : 2 minutes.

Funérailles d’un notable bamiléké, le 25 mars, à Baham. © Max Mbakop POUR JA
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Cameroun : que veulent (vraiment) les Bamilékés ?

Alors que le monde des affaires est depuis longtemps le terrain de jeu favori de nombre d’entre eux, la sphère politique leur résiste encore. À moins qu’elle ne les intéresse pas vraiment…

Sommaire

Fabien Eboussi-Boulaga

Philosophe

« Je n’ai jamais considéré les Bamilékés comme un groupe homogène pouvant avoir une politique contraignante ou significative au bénéfice de toute cette ethnie. Parler des Bamilékés qui ont le pouvoir économique, c’est se référer à une élite restreinte, qu’on retrouve d’ailleurs aussi dans d’autres régions du pays et dans les instances du parti majoritaire.

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Si ceux-là veulent le pouvoir, cela ne signifie pas que la région dont ils sont issus le veuille également. Le décréter est irresponsable et n’a sociologiquement pas de sens. Cela confine à la reconduction d’idéologies simplistes, qu’on peut malheureusement diffuser auprès du plus grand nombre.

Au risque de provoquer des émeutes, les simples d’esprit se dépêchant de saccager les magasins appartenant aux Bamilékés les plus pauvres. Ces victimes ne seront d’ailleurs ni soutenues ni indemnisées par une quelconque caisse d’assurance bamilékée… »

Philippe Bissek

Architecte

« La puissance économique des Bamilékés est un dangereux cliché autour duquel le régime s’est construit et qu’il alimente régulièrement pour se maintenir au pouvoir. Elle ne renvoie pas à des données chiffrées incontestables et ne concerne qu’une élite qui ne se soucie guère des autres membres de sa communauté. Par exemple, Jean Nkueté, Bamiléké au cœur du système puisqu’il est secrétaire général du RDPC, n’a que faire de l’équilibre régional à la tête de l’État.

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Finalement, les revendications qui s’expriment aujourd’hui chez les anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pourraient être élargies au Grand Ouest, incluant ainsi le malaise bamiléké. »

Daniel Etounga-Manguelle

économiste et romancier, auteur d’Éloge de la dissidence

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Daniel Etounga Manguele, président de la Chambre de commerce. mars 2017. © Adrienne Surprenant pour JA

Daniel Etounga Manguele, président de la Chambre de commerce. mars 2017. © Adrienne Surprenant pour JA

« Il y a une gêne, une suspicion, la même que certains peuvent éprouver à l’égard des Juifs. Et si on y ajoute les tontines [caisses de solidarité entre particuliers] qu’organisent les Bamilékés, et que certains considèrent comme des réunions secrètes, on a largement de quoi nourrir le soupçon.

On a d’abord voulu prendre le problème à la légère, en insistant sur un présupposé : ceux qui détiennent le pouvoir économique ne doivent en aucun cas détenir le pouvoir politique…

Personnellement, je souhaite voir les bonnes personnes au bon endroit, qu’importent leurs origines ! Si des hommes d’affaires qui ont réussi peuvent permettre au pays de prospérer, pourquoi pas ? Mais l’homme d’affaires bamiléké, quel qu’il soit, a-t-il envie d’y aller ? Pas sûr : il entend la suspicion à son égard qu’éprouvent les uns et les autres.

Résultat : quelques-uns préfèrent tirer les ficelles dans l’ombre plutôt que d’y aller franco. Dommage qu’on en soit encore à de telles considérations, presque soixante ans après l’indépendance. »

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