Tourisme : Ganvié, l’éternel refuge béninois

Posée sur le lac Nokoué, face à Cotonou, la plus grande cité lacustre du continent est toujours aussi vivante. Et toujours aussi magique.

Cette ville sur l’eau de 25	000 habitants a été fondée au XVIIIe siècle par les Toffins. © Charles Placide pour JA

Cette ville sur l’eau de 25 000 habitants a été fondée au XVIIIe siècle par les Toffins. © Charles Placide pour JA

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Publié le 26 avril 2017 Lecture : 4 minutes.

A Ouidah, au Bénin, face à la porte du non-retour. © Charles Placide pour JA
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Au bout de l’embarcadère d’Abomey-Calavi, les pirogues vont et viennent, chargées de victuailles et de passagers. Comme ailleurs les cars et les trains, elles se succèdent à intervalles réguliers sur le lac Nokoué. Passé le chahut du marché et les commerces du port, c’est le moment de monter à bord de l’une des longues pinasses à moteur prêtes à rallier Ganvié. Cap au nord du lac.

Au fur et à mesure que la barque s’éloigne du rivage en fendant les tapis de nénuphars et de jacinthes d’eau, Abomey et Cotonou deviennent plus petites, plus humaines, adoucies par le vert mousseux du plan d’eau. On oublie lentement la poussière, la pollution, les voitures… « Certains habitants de Cotonou qui viennent le week-end nous disent : “Ah, Ganvié ! Pourquoi je n’y suis jamais venu avant !” » lance en souriant Fabrice, le guide. Pourtant, la traversée depuis Abomey dure à peine quinze minutes.

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Les « hommes de l’eau »

Devant, des roseaux hérissent la surface de l’eau. Ce sont en fait de petites pâtures aquacoles, appelées acadjas. Des amas de branchages plantés en eau peu profonde, dans lesquels les poissons se réfugient, se nourrissent et se reproduisent. Une technique utilisée par les Toffins (« hommes de l’eau »), l’une des principales ethnies de la région et, en particulier, de Ganvié, pour augmenter la productivité piscicole.

On croise un pêcheur venu relever un filet, une femme seule cabotant sur une pirogue à voile. À l’approche de la cité, des bribes de conversations mêlées de cris d’enfants viennent glisser sur l’eau, résonnant comme dans un rêve. Et c’est alors que se déploient ses centaines de cases sur pilotis, bâties en bambous et en bois pour la plupart, en parpaings pour quelques-unes, couvertes d’un toit de chaume ou de tôle.

Mon ancêtre fit la découverte de Ganvié vers 1710. Il s’était transformé en épervier pour ne pas être démasqué, puis il s’est mué en crocodile pour transporter et protéger son peuple.

Érigé au XVIIIe siècle par les Toffins, originaires du Togo (les Adjakedos) et du Tado, au sud du Bénin, fuyant les razzias esclavagistes, le « village » de Ganvié compte aujourd’hui quelque 25 000 âmes.

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« L’Afrique éternelle »

Dans sa maison, reliée aux autres îlets par un petit pont en béton, vit le dernier roi de Ganvié, sa majesté Missikpo Yoka III Azinkpodoté. Derrière son autel vaudou, entouré de ses fétiches, sceptre en main, il partage volontiers un verre d’alcool de palme (sodabi) avec les visiteurs.

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« Mon ancêtre fit la découverte de Ganvié vers 1710. Il s’était transformé en épervier pour ne pas être démasqué, puis il s’est mué en crocodile pour transporter et protéger son peuple. Depuis, notre dynastie n’a jamais cessé de régner sur la région du lac, même du temps des Français. » En seulement quelques mots, le vieux roi a livré la magie du lieu et sa genèse (en langue fon, « gan » signifie « sauvé » et « vié » « la collectivité »).

Déambuler à Ganvié, c’est à la fois naviguer dans l’ordinaire quotidien et traverser « l’Afrique éternelle ». Ici la boutique du sorcier, là celle de la rebouteuse. Ici des poussins piaillent dans une cour, là des enfants pêchent. Et, partout, ce courant d’air et d’eau qui fait glisser silencieusement les embarcations et sur lequel se réverbèrent les murmures de la cité, ponctués par les coups de pagaie.

Deux hôtels accueillent les visiteurs de passage, dont le plus pittoresque est le Carrefour Ganvié Chez M. Située en plein cœur du village, cette auberge a l’avantage de plonger le visiteur dans la vie des habitants. Les chambres sont sommaires mais propres et offrent une vue imprenable sur la lagune.

Le soir, on entend le grondement du vieux générateur un peu rouillé, « un cadeau de Kadhafi », confie le serveur avec un large sourire, et, au petit matin, le brouhaha du marché flottant sonne le début de la journée. Et fait oublier qu’on est à 8 km seulement de Cotonou.

Atypique et authentique

Ganvié fait partie des six projets retenus dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG) 2016-2021 pour développer le tourisme. Il ne s’agit pas d’y faire défiler des hordes de visiteurs, mais de rendre un peu plus visible la cité en tant que destination atypique et authentique.

Les aménagements prévus, de même que l’attraction sur de nouveaux voyageurs grâce à une petite augmentation de la capacité d’hébergement, ont pour objectif d’améliorer le cadre de vie et les revenus des populations locales, sans bouleverser leurs habitudes ni leur environnement.

Le coût du projet est estimé à 20 milliards de F CFA (près de 30,5 millions d’euros). Il comprend l’assainissement et le curage du lac (de la mi-2018 à la fin de 2019), la construction d’un hôtel sur pilotis et la restauration de quelques habitations avec des matériaux durables dans un périmètre pilote (de 2019 à 2021), ainsi que la réhabilitation du marché flottant et le réaménagement des installations de l’embarcadère et des espaces de vie sociale du village. Cécile Manciaux

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