Mohamed Cheikh Biadillah : « Comme l’IRA, le Polisario doit se dissoudre »
Médecin de formation, aujourd’hui conseiller municipal de Smara, ville du Sahara où il est né en 1949, Mohamed Cheikh Biadillah a été gouverneur, wali, ministre de la Santé et secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (PAM).
Maroc – Algérie : les fantômes de Guerguerat
Depuis l’entrée du royaume dans l’Union africaine, la tension ne cesse de croître entre les deux frères ennemis du Maghreb. Au cœur de leur discorde, le conflit au Sahara occidental, qui s’est envenimé ces derniers mois. Reportage à Alger, à Rabat et sur la « ligne de front », entre les postes-frontières marocains et mauritaniens.
Ce farouche défenseur des institutions monarchiques est le frère de Brahim Ahmed, un chef militaire du Front Polisario, de Hassan, qui a représenté ce mouvement à Madagascar, et de Daha, qui enseigne aujourd’hui à Tindouf, en Algérie.
Son appel à la réconciliation lancé à ses « frères » du Polisario, le 2 mars, dans le quotidien Al Massae, est plus qu’un symbole. Il demande à ceux qu’il a connus dans sa jeunesse d’accepter le plan d’autonomie proposé par le Maroc, plaide pour un soutien accru de la société civile marocaine mais aussi du voisin mauritanien.
Jeune Afrique : Votre appel dans la presse aux « frères » du Polisario était-il concerté ?
Mohamed Cheikh Biadillah : Il s’agit d’une initiative personnelle. Je m’adresse à une population qui vit dans une situation alarmante, mais aussi aux cadres de l’organisation, qui doivent chercher une nouvelle approche. L’histoire de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), qui s’est autodissoute après presque un siècle de lutte, est un bon exemple, mêlant maturité politique et sens des responsabilités.
Avez-vous des nouvelles des membres de votre famille qui sont toujours « de l’autre côté » ?
Le problème familial est une plaie béante, je préfère ne pas en parler.
Avez-vous formellement été membre du Polisario ?
Non. Au début des années 1970, je figurais parmi les étudiants marocains « du groupe de Rabat » qui ont façonné le mouvement dont le Polisario est issu. Originaires du Sahara, nous avons commencé à évoquer le problème de l’occupation espagnole dans les assemblées universitaires. Nous devions créer le Mouvement pour la libération de la Sakia el-Hamra et du Rio de Oro, qui n’a finalement jamais vu le jour.
Tiraillés entre la répression contre les étudiants et les appels du pied de Mouammar Kadhafi, notamment lors de son discours à Nouakchott, en 1972, les principaux membres du groupe ont quitté le Maroc. Le 10 mai 1973, le Front Polisario a surgi du néant, créé à la hâte par de jeunes Marocains et Mauritaniens de sensibilité nassérienne.
C’est en raison de ces idées que vous avez subi des pressions ?
En tant que militant du Sahara libéré, j’ai été arrêté trois fois par les Espagnols. Et, une autre fois, je me suis rendu pour ne pas mettre en danger Ali Mahmoud, haut responsable du Polisario, aujourd’hui ambassadeur de la RASD [République arabe sahraouie démocratique] au Panama, et son épouse, Fatima, qui m’hébergeaient.
Selon vous, s’agit-il d’abord d’un problème entre le Maroc et l’Algérie ?
Plus précisément, c’est l’Algérie qui détient la clé de la solution. Pour preuve, dès 1975, Boumédiène a menacé de mettre la région à feu et à sang en cas d’accord entre le Maroc et l’Espagne au sujet du Sahara.
Quel a été votre sentiment lors de la disparition de Mohamed Abdelaziz, le président de la RASD, enterré en Algérie ?
C’était un ami, j’ai donc été attristé. Quel gâchis : une vie perdue pour rien, et maintenant une dépouille « en exil » !
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