Maroc : Nizar Baraka, futur leader de l’Istiqlal ?

Homme d’État chevronné et adoubé par le sérail, cet héritier politique d’Allal El Fassi apparaît comme la personnalité idoine pour remettre de l’ordre dans le parti de l’Istiqlal, qui tenait ce samedi 29 avril un congrès extraordinaire.

Nizar Baraka incarne aujourd’hui, aux yeux d’une large frange d’istiqlaliens l’homme providentiel appelé à mettre fin à la parenthèse Chabat. © Hassan Ouazzani pour JA

Nizar Baraka incarne aujourd’hui, aux yeux d’une large frange d’istiqlaliens l’homme providentiel appelé à mettre fin à la parenthèse Chabat. © Hassan Ouazzani pour JA

fahhd iraqi

Publié le 2 mai 2017 Lecture : 5 minutes.

Mardi 28 mars. Alors que dirigeants et parlementaires de l’Istiqlal tiennent une énième réunion visant à éjecter Hamid Chabat de la tête du parti, Nizar Baraka reçoit les responsables de la Banque mondiale au siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qu’il préside.

À croire que le candidat au secrétariat général de l’Istiqlal est à mille lieues de la crise interne qui déchire la vieille formation. « Pas du tout ! nous rétorque l’un de ses collaborateurs. Nizar Baraka suit de près tout ce qui se passe à l’Istiqlal, car il est déterminé à présenter sa candidature. Ce n’est pas pour rien qu’il multiplie les déplacements dans les régions et les rencontres avec les militants. »

Il a choisi l’Istiqlal par conviction et non par obligation familiale

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Nizar Baraka futur leader de l’Istiqlal, pour de nombreux observateurs, c’est un juste retour des choses. L’aîné des petits-fils d’Allal El Fassi – grande figure du nationalisme marocain dont le nom s’est toujours confondu avec celui de l’Istiqlal – était quasi prédestiné à reprendre le flambeau. « Enfant déjà, Nizar assistait aux réunions du parti qui se tenaient dans la maison de son grand-père. Et ce dernier emmenait son petit-fils, à chaque fois qu’il le pouvait, aux meetings régionaux », nous raconte l’un des membres de la famille El Fassi.

Après son bac, il décide de prendre sa carte du parti. « Il a choisi l’Istiqlal par conviction et non par obligation familiale, nous explique l’un de ses proches. À son inscription à la fac de Rabat, il a pris conscience de l’importance de l’engagement dans la vie publique. Mais il ne se sentait pas attiré par l’offre politique des gauchistes, encore moins par celle des islamistes, qui avaient fortement investi les milieux universitaires dans les années 1980. »

« Petit Premier ministre »

Nizar le matheux reste néanmoins concentré sur ses études et décroche avec brio une licence en économétrie en 1985. « Son projet de mémoire traitait du plan d’ajustement structurel, signe avant-coureur de l’intérêt qu’il portera aux finances publiques », explique notre source.

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Une décennie plus tard, après un doctorat et quelques années d’enseignement à l’université, il est recruté par le ministre des Finances, Mohamed Kabbaj, à la direction de la prévision économique, où il restera jusqu’en 2007, avant d’être appelé à jouer les premiers rôles au sein de l’appareil d’État.

Aux côtés de son oncle et beau-père, Abbas El Fassi, il est le principal artisan du programme économique du parti pour les législatives de 2007. Des élections remportées par l’Istiqlal et qui propulsent son secrétaire général au poste de Premier ministre.

 L’accord du 26 avril 2011 avec les syndicats, qui a contribué à apaiser la tension sociale à cette époque, c’est Nizar Baraka qui l’avait négocié

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Dans le gouvernement El Fassi, Nizar Baraka trouve naturellement sa place en tant que ministre délégué chargé des Affaires générales, travaillant directement avec son oncle à la primature. « L’accord du 26 avril 2011 avec les syndicats, qui a contribué à apaiser la tension sociale à cette époque, c’est Nizar Baraka qui l’avait habilement négocié », rappelle l’un de ses proches. « À la primature, il gérait presque tout. Il avait la confiance totale et le respect d’Abbas El Fassi. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on le surnommait “petit Premier ministre” », renchérit un connaisseur des arcanes du méchouar.

Mais dans un contexte trouble où la vague contestataire du Printemps arabe déferle sur le royaume, Nizar Baraka va devoir faire des concessions. La famille El Fassi symbolise pour les manifestants du 20-Février le népotisme ambiant dans la classe politique. Baraka renonce ainsi à se présenter dans la circonscription de Larache, fief électoral de son beau-père, au profit d’Abdellah Bekkali.

Force de travail

Une discipline partisane dont il fait preuve également en 2013, quand le secrétaire général fraîchement élu de l’Istiqlal, Hamid Chabat, fait adopter en conseil national le retrait du parti de la coalition gouvernementale. Nizar Baraka, qui avait rempilé dans le gouvernement Benkirane en tant que ministre des Finances, est parmi les premiers istiqlaliens à se soumettre à la décision et à présenter sa démission.

Mais alors que ses collègues assurent encore la gestion des affaires courantes en attendant la désignation de leurs remplaçants, Nizar Baraka est repêché par Mohammed VI, qui le nomme le 21 août 2013 président du Cese.

Depuis, Nizar Baraka a pris ses distances avec le parti. « Il n’assistait plus aux réunions du conseil national, dont il est membre, nous confie un istiqlalien. Il prenait néanmoins soin d’envoyer à chaque fois une lettre d’excuses, où il invoquait un agenda chargé en tant que président du Cese. »

Il faut dire que Nizar Baraka n’a pas chômé à la tête du conseil. Selon les rapports annuels de l’institution constitutionnelle, une trentaine d’avis ont été émis et une dizaine d’études ont été rendues publiques entre 2013 et 2015 à la suite de saisines ou d’auto-saisines de Cese.

« Il a une force de travail qui impose le respect. Ses journées au bureau démarrent à 8 h 30 pour finir tard dans la nuit, rapporte l’un de ses collaborateurs. Il prend soin de tout relire ligne par ligne. Et, question chiffres, il est juste imbattable : il est capable de vous citer n’importe quelle statistique de mémoire. »

Fin de la parenthèse Chabat ?

La compétence reconnue de Nizar Baraka lui vaut de se retrouver souvent aux avant-postes lors d’événements majeurs : il a été par exemple le pilote en chef du dialogue stratégique entre le Maroc et les États-Unis, notamment de son volet économique. Il a également été le mastermind de la COP22, organisée au Maroc en novembre 2016 et dont le plan d’action porte son empreinte.

Fort de ses qualités intellectuelles et humaines, de son héritage familial, de sa légitimité au sein du parti, mais aussi de ses rapports privilégiés avec les premiers cercles du pouvoir, Nizar Baraka incarne aujourd’hui, aux yeux d’une large frange d’istiqlaliens, le renouveau, voire l’homme providentiel appelé à mettre fin à la parenthèse Chabat.

« Comme beaucoup d’istiqlaliens, il a assisté, impuissant, à la dégringolade du parti sous l’ère Hamid Chabat, nous explique l’un de ses proches. Mais ce qui l’a poussé à sauter le pas, c’est d’avoir vu le secrétaire général trahir tous ses engagements et installer une chape de plomb pour réduire au silence les contestataires. » C’est donc dans le rôle du sauveur que Nizar Baraka a rendez-vous avec son destin.

Un congrès et des manœuvres

Pour que Nizar Baraka puisse briguer le poste de secrétaire général de l’Istiqlal, l’article 54 des statuts du parti devrait être amendé lors du conseil national extraordinaire fixé au 29 avril. Cette clause limite en effet les candidatures aux seuls membres du comité exécutif. Une condition que Baraka ne remplit pas.

Le parti a cependant connu deux semaines très agitées – réunion qui tourne au saccage, guerre des communiqués, sit-in de militants au siège du parti – avant que le clan du secrétaire général sortant, Hamid Chabat, concède l’amendement du règlement intérieur et le lifting du comité d’organisation du congrès.

Le chef de file des opposants à Chabat, Hamdi Ould Rachid, n’affiche pourtant qu’un timide soutien à la candidature de Baraka. « Il était au parti bien avant moi », se contente-t-il de déclarer. Un soutien plus appuyé que celui d’Al Alam, organe de presse du parti, qui a banni Baraka de ses colonnes. Et pour cause : Al Alam est dirigé par Abdellah Bekkali, l’un des hommes clés du dispositif Chabat.

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