Turquie : lendemains de référendum
Où en est la Turquie ? Où va-t-elle ? Personne n’est aujourd’hui en mesure de répondre à ces deux questions. Il me faut vous en parler, car cette héritière d’un vaste empire joue un rôle important sur les scènes régionale et internationale.
Les résultats du référendum qui s’y est tenu le 16 avril à l’initiative de son président, Recep Tayyip Erdogan, disent beaucoup de son présent et tracent une tendance pour l’avenir.
La Turquie de 2017 est l’un des plus grands pays musulmans, le plus grand du Moyen-Orient par la population (80 millions d’habitants), par le revenu national (718 milliards de dollars) et par habitant (près de 9 000 dollars par an).
Elle est membre de l’OCDE, ce club des 35 pays les plus développés, et, pour le moment, candidate à l’entrée dans l’Union européenne, à laquelle elle se prépare de longue date.
Moyennement développée, elle devance pourtant de loin les deux premières économies du continent africain : le Nigeria, dont le PIB annuel n’est que de 500 milliards de dollars, soit 2 800 dollars par habitant, et l’Afrique du Sud (PIB : 315 milliards de dollars, soit 5 750 dollars par habitant).
À titre de comparaison, le PIB de l’Égypte, dont la population est équivalente à celle de la Turquie, n’est que de 330 milliards, soit 3 700 dollars par habitant.
La Turquie est membre de l’Otan depuis 1952 et l’allié traditionnel des États-Unis. Ses relations actuelles avec la Russie s’apparentent à une alliance : les présidents Trump et Poutine se sont d’ailleurs distingués en félicitant publiquement Erdogan après la victoire du oui au référendum du 16 avril.
Ce référendum a montré que la Turquie est divisée en deux parties sensiblement égales : les citadins, plus éduqués et éclairés – 48,6 % de l’ensemble des suffrages –, qui ont voté pour la sauvegarde et la protection de la démocratie, et le pays profond, celui des campagnes – 51,4 % –, qui a confirmé par son oui qu’il veut un chef, fût-il autocrate, un homme d’ordre, un reis.
Cette seconde moitié du pays était-elle aussi majoritaire que le disent les résultats officiels ? Le doute est permis, même si l’on note que les 8 millions de Turcs de la diaspora ont à plus de 60 % voté oui.
La minorité kurde est importante par le nombre (15 millions) et par sa spécificité : le parti qui la représente le mieux, le PKK, a renoncé à revendiquer une indépendance-scission jugée inaccessible ; il se contente désormais d’une autonomie dans le cadre de la république de Turquie et a négocié des mois durant avec des représentants mandatés par Erdogan pour parvenir à un accord sur cette base.
La négociation pouvait et a failli aboutir…
Nul ne sait ce que fera Erdogan de sa victoire et des pouvoirs supplémentaires qu’elle va lui conférer. Il hésite, semble-t-il, entre deux voies.
La première, que lui dictent son âme et ses réflexes d’autocrate, est la plus tentante et la plus probable : il ira jusqu’au bout de son pouvoir et instaurera une quasi-dictature islamiste.
N’est-il pas déjà le parrain des islamistes de Gaza, d’Égypte et de Tunisie ? Pourquoi ne serait-il pas le chef suprême d’une internationale islamiste ?
La seconde, moins aventureuse, a encore une petite chance d’être retenue par cet homme politique dont il convient de ne pas sous-estimer l’intelligence stratégique.
Doté de tous les pouvoirs qu’il voulait rassembler entre ses mains, il ramènerait son parti à ce qui a fait sa réussite : le développement économique du pays, de bonnes et fructueuses relations avec l’Europe, une place de choix parmi les nations les plus avancées et, si possible, zéro problème avec les voisins.
Sait-il lui-même déjà la voie dans laquelle il s’engagera et engagera son pays ? Beaucoup dépendra de la manière dont les grandes puissances mondiales, États-Unis, Chine, Europe, Russie, traiteront la Turquie et son chef dans les mois cruciaux qui viennent.
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