Street Art : Marto réveille Ouagadougou avec ses dessins
Pour le meilleur ou pour le pire, les murs sont à la mode. Au Moyen-Orient ou en Amérique, de nouveaux remparts obstruent l’horizon des nomades. Au cœur du Sahel, Marto, lui, maquille les briques ouagalaises comme si le trompe-l’œil lézardait joyeusement les murailles
Burkina Faso : l’art du rebond
Les premiers résultats des réformes engagées il y a un an sont plutôt positifs. Pourtant, Roch Kaboré doit encore relever des défis de taille pour répondre aux attentes sociales et rétablir la confiance entre l’État et les citoyens.
Dans un environnement à l’architecture minimaliste ou improbable, farci de monuments kitsch et lissé par la patine brune de la latérite, les vrais paysages ont toujours été les foules, aussi multicolores que fugaces. Le peintre urbain, Marto, semble les attraper au vol pour les immortaliser sur les murs de la capitale burkinabè, non sans les passer à la moulinette de son graphisme sarcastique.
À l’arrière d’une bicoque, une mama attache dans son dos un toubab moustachu devenu poupon africain. Dans un « six-mètres » (petite rue non goudronnée, théoriquement de 6 m de large), un enfant en surpoids promène en laisse un curieux animal de compagnie : son téléphone portable. Sur un muret, un poisson fumeur pêche un pêcheur…
Un atelier en plein air
Né à Besançon, dans l’est de la France, il y a trente-cinq ans, le Franco-Burkinabè Grégory Dabilougou se nourrit des œuvres du caricaturiste français Siné, du graphiste activiste britannique Banksy et du graffeur vidéaste italien Blu. Il étudie aux Beaux-Arts de Cambrai et à la faculté des arts d’Amiens, dans le nord de l’Hexagone, à l’école d’art de Helsinki (Finlande), puis poursuit sa métamorphose en « Marto », qui le conduit, en 2009, à l’atelier Hangar 11, dans le quartier Kologh-Naba de Ouagadougou.
Pour moi, la finalité d’un dessin est de se retrouver sur un mur, pas sur une toile ou un tableau
Progressivement, il pose ses valises dans la capitale burkinabè et fait infuser sa sensibilité artistique. « Au début, je ne connaissais pas bien la culture locale. Avec le temps, mes créations ont commencé à s’africaniser. » Avec la plasticienne Poko, il fonde le studio El Faso. Le goût de Marto pour la 2D et le talent de Poko pour la 3D se conjuguent. Les deux artistes lancent une gamme de goodies : tee-shirts, sacs, coussins, cartes postales ou encore canaris customisés. Ils s’apprêtent d’ailleurs à inaugurer leur boutique.
Depuis six ans, dès qu’il le peut, Marto investit son terrain de jeu favori : la rue. « Pour moi, la finalité d’un dessin est de se retrouver sur un mur, pas sur une toile ou un tableau », explique-t-il. Pas de pochoirs sauvages pour réalisations dans la clandestinité. Il demande des autorisations et travaille en pleine lumière, prisant l’interaction avec un public moins blasé que celui d’Europe. « J’aime le fait d’avoir une sorte d’atelier dans l’espace public, de créer du lien avec les gens. »
L’artiste en résidence à Berlin
Deux jours après l’attentat de Ouagadougou, en janvier 2016, à quelques centaines de mètres du lieu du drame, il entreprend son œuvre monumentale, La Tantie de la liberté. Au « verso » d’un immeuble de l’avenue Kwame-Nkrumah, il peint une Lady Liberty tropicalisée de huit mètres de hauteur ; la robe en pagne, la peau d’ébène et la tablette, sur laquelle est gravée la date du 30 octobre 2014, rendent hommage à l’insurrection populaire qui fit plier le régime de Blaise Compaoré. Avec cette fresque, le peintre des grenouilles burlesques et des messages subliminaux affirme un engagement plus net.
Puisque les murs sont des tremplins artistiques plus que des digues, Marto projette à nouveau son œuvre au-delà des frontières ouagalaises. En mars, il a commencé une résidence artistique berlinoise, qui enfantera un roman graphique d’ici à quelques mois, en lien avec l’ONG Correctiv et sa rédaction. Ensuite, il partira travailler avec les artisans marocains de Meknès, où doit se tenir, en octobre, la deuxième édition des Rencontres du carnet de voyage.
Que les Ouagalais patientent. Aussi mobile que « ses » murs sont immobiles, Marto reviendra au Burkina en fin d’année pour dérouler encore son chapelet de fresques. Ils pourront reprendre, avec lui, le jeu de piste urbain.
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