Littérature : dans « La maison au bout des voyages », le Kenya à vif
« La maison au bout des voyages », premier roman d’Yvonne Adhiambo Owuor, plonge le lecteur dans les heures obscures de l’histoire kényane.
Pourquoi Odidi est-il mort ? s’interroge Ajani, obsédée par l’idée de « rassembler les ombres de son frère ». Hugh Bolton est-il vivant ? exige de savoir Isaiah, le fils de cet officier britannique, venu du Vieux Continent pour le retrouver. Réponses claires nulle part. Violence partout. En essayant de démêler le vrai du faux, une nouvelle génération découvre les secrets inavouables du Kenya. « Voilà comment nous perdons le pays, un enfant à la fois », se désole le commissaire Petrus Keah.
Sans solides repères géographiques et chronologiques, le lecteur doit lutter pour apprivoiser le premier roman d’Yvonne Adhiambo Owuor, lauréate du Jomo Kenyatta Prize for Literature. Si l’itinéraire tourmenté de ses personnages se dessine progressivement, on ne peut que deviner la toile de fond : les heures sombres de l’histoire kényane, de la révolte des Mau-Mau aux violences postélectorales de 2007.
Le récit est tissé de sous-entendus, de silences à demi brisés, de moments de vérité pressentis, où le tabou le dispute à la folie et aux superstitions. « Il tente d’expliquer le pays à sa fille et hésite. Comment lui dire, “nous sommes en guerre depuis bien avant ta naissance” quand cette guerre se définit d’abord par le silence dans lequel elle s’est déroulée ? » Le lyrisme de l’auteur produit de véritables moments de grâce. Sous sa plume, les mots s’entrechoquent, se nourrissent de non-dits. Paradoxe, l’enfance et la mémoire, le deuil, la culpabilité et l’espoir ont rarement été si éloquents.
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