Burkina Faso : « La situation politique et économique est très difficile pour les Burkinabès »

L’économiste burkinabé Zéphirin Diabré, président du principal parti d’opposition, l’Union pour le changement (UPC), et chef de file de l’opposition politique (CFOP), revient sur les raisons qui poussent l’opposition burkinabè à se mobiliser depuis plusieurs mois.

Zéphirin Diabré, président de l’UPC à Ouagadougou le 19 avril. © Sophie Garcia/ Hanslucas.com pour JA

Zéphirin Diabré, président de l’UPC à Ouagadougou le 19 avril. © Sophie Garcia/ Hanslucas.com pour JA

Publié le 11 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

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Burkina Faso : l’art du rebond

Les premiers résultats des réformes engagées il y a un an sont plutôt positifs. Pourtant, Roch Kaboré doit encore relever des défis de taille pour répondre aux attentes sociales et rétablir la confiance entre l’État et les citoyens.

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Jugeant décevante la gestion du président Kaboré, malgré un rebond de la croissance du PIB à 6,2 % en 2016, l’opposition hausse à nouveau le ton et a battu le rappel de ses troupes en organisant, le 29 avril, un « meeting d’interpellation de la majorité ».

Jeune Afrique : L’opposition a fait sa rentrée politique le 29 avril avec un meeting populaire. Pourquoi ?

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Zéphirin Diabré : La situation politique et socio-économique est très difficile pour les Burkinabè, à cause de l’échec de gouvernance du pouvoir actuel. Même les membres de la majorité ne se gênent plus pour le dire, dans des termes encore plus virulents que les nôtres. Il est du rôle de l’opposition de se faire le porte-parole des citoyens mécontents et, donc, d’interpeller vigoureusement les gouvernants chaque fois que c’est nécessaire.

Après le mémorandum critiquant sévèrement le bilan du gouvernement, que revendiquez-vous aujourd’hui ?

Nous réclamons un traitement diligent des maux qui assaillent les Burkinabè : chômage des jeunes et des femmes, faillite du petit commerce, insécurité, insuffisance des soins de santé, corruption, politisation de l’administration, etc. Nos dirigeants ont été élus pour régler ces problèmes. Sur toutes ces questions, nous avons des attentes et des exigences, consignées dans une plateforme que nous avons rendue publique le 29 avril.

Comment vous assurer que vos revendications soient prises en compte par le pouvoir ?

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Pour une opposition républicaine comme l’est celle du Burkina, l’interpellation, sous toutes ses formes, est le principal moyen de se faire entendre. En prenant l’opinion à témoin, en la sensibilisant et en la mobilisant, on obtient toujours du pouvoir le plus sourd qu’il vous écoute.

Il n’y a aucun risque de crise politique qui puisse venir de l’action de l’opposition

Entre la cherté de la vie, les divers mouvements sociaux et votre appel à la mobilisation, pensez-vous que l’on s’achemine vers une crise politique ?

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Il n’y a aucun risque de crise politique qui puisse venir de l’action de l’opposition. Celle-ci est dans son rôle. Elle critique les échecs du gouvernement, lequel se défend avec ses arguments. C’est au rythme de ce jeu de ping-pong que vit toute démocratie.

La Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (Coder) déplore une justice sélective. Selon vous, peut-on passer outre la justice au nom de l’urgence à se réconcilier ?

La question de la réconciliation n’est pas née de l’insurrection mais lui est antérieure. Pour moi, la réconciliation passe par la vérité et la justice. Sur ce plan, une sorte de consensus national se dégage. Encore faut-il que cette justice soit indépendante et équitable. Ce qu’il faut savoir maintenant, c’est comment rendre opérationnelle cette démarche de vérité, de justice et de réconciliation pour que les choses avancent.

Êtes-vous prêt à vous impliquer dans cette démarche ?

Les partis membres de la Coder sont venus me demander de m’impliquer davantage sur cette question. J’ai donné mon accord de principe. Mais ce n’est pas facile, parce que l’opposition burkinabè est plurielle. Pour simplifier, elle comprend ce qu’on appelle ici des « insurgés », c’est-à-dire ceux qui étaient dans les manifestations d’octobre 2014, et des « brûlés », c’est-à-dire ceux qui ont été renversés par cette colère populaire. Il faut donc se concerter sérieusement pour dégager une vision commune.

Récemment, vous avez interpellé le gouvernement sur la situation du général Djibrill Bassolé. Que voulez-vous exactement ?

Nous avons été informés par son parti [la Nouvelle Alliance du Faso (Nafa)], qui est membre de l’opposition, que Djibrill Bassolé était malade et que sa situation nécessitait une prise en charge adéquate. Nous avons donc interpellé le gouvernement pour qu’il fasse diligence. Même prisonnier – d’ailleurs non condamné à ce jour –, le général Bassolé a droit à des soins médicaux.

Avez-vous été entendus ?

A priori, je dirais que non, puisque rien n’a évolué depuis. Il faut que ce dossier reste purement judiciaire et ne donne pas lieu à des calculs politiques. Il est clair que la situation dans laquelle se trouve actuellement Djibrill Bassolé, dans l’incapacité d’animer son parti et de participer à des élections, arrange certaines personnes.

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