Edgar Coulomb, Eiffage infrastructures : « Notre statut de cofinanceur des projets rassure nos partenaires »

Très présent au Sénégal depuis des décennies, le géant français du BTP entend désormais s’implanter de manière pérenne en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Entretien avec Edgar Coulomb, directeur régional d’Eiffage Infrastructures.

Travaux des grands collecteurs d’assainissement, à Brazzaville. © DR

Travaux des grands collecteurs d’assainissement, à Brazzaville. © DR

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 18 mai 2017 Lecture : 5 minutes.

Passagers sortant d’une rame de train Gautrain à Midrand, en Afrique du Sud. © Marc Shoul pour ja
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Rail : en voiture !

Les projets ferroviaires africains, bien qu’encore largement destinés au fret, s’intéressent de plus en plus au transport de passagers – même si le TGV marocain restera un cas isolé quelque temps encore.

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Avec un chiffre d’affaires de 121 millions d’euros au Sénégal sur un total en Afrique de 267 millions d’euros en 2015, le groupe Eiffage concentre encore aujourd’hui la plus grande partie de ses activités sur le continent au pays de la Teranga. Il a par exemple construit la première autoroute à péage en Afrique de l’Ouest entre Dakar et le nouvel aéroport international Blaise-Diagne (AIBD), distants d’une quarantaine de kilomètres, qu’il exploitera jusqu’en 2039. Il entreprend en outre le tracé du TER qui reliera ces deux mêmes villes fin 2018. Les activités dans le pays forment d’ailleurs une filiale à part entière, quand le groupe s’est contenté d’ouvrir des bureaux de représentation dans les autres marchés.

Mais depuis quelques années, le troisième géant français du bâtiment (derrière Vinci et Bouygues), qui veut faire de l’Afrique le terrain de sa diversification et de son expansion, tente de s’imposer sur d’autres territoires, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Spécialiste des ponts, des ouvrages d’art et des barrages, il a ainsi remporté dernièrement une moisson de contrats en Sierra Leone, en Angola, au Togo, en Côte d’Ivoire… Au siège de l’entreprise, à Vélizy-Villacoublay, près de Paris, Jeune Afrique a rencontré Edgar Coulomb, directeur d’Eiffage Infrastructures pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

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Jeune Afrique : Il y a quelques années, Eiffage voulait faire de l’Afrique le levier de sa croissance. Y est-il parvenu ?

Edgar Coulomb : Dans les années 2000, le groupe avait maintenu un contour très européen, voire hexagonal. L’Afrique est redevenue pour nous depuis 2011 un des principaux axes identifiés pour augmenter notre internationalisation. Depuis quatre-vingt-dix ans, nous n’étions présents qu’au Sénégal et ne menions dans le reste du continent que quelques opérations épisodiques. Aujourd’hui, Eiffage Infrastructures s’est redéployé dans une dizaine de pays africains. Nous constatons un regain d’investissements de la part des donneurs d’ordre privés et publics, portuaires, aéroportuaires, dans les énergies renouvelables et dans une certaine mesure de la part des pétroliers, ce qui nous laisse relativement optimistes.

La baisse des cours des matières premières a affecté les budgets des États. Cela s’est-il ressenti sur les commandes publiques ?

Oui, surtout au Maghreb et en Afrique centrale, où l’investissement public était beaucoup plus contraint, avec des opérations qui s’étalent plus dans le temps.

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Comment comptez-vous étendre votre présence ?

Notre stratégie repose sur deux piliers : développer à long terme une activité dans les pays où l’on opère tout en restant ouvert aux opportunités dans les pays où l’on n’est pas encore actif. Nous avons terminé en 2016 l’extension du terminal à conteneurs du port de Lomé pour le compte de Bolloré. Cela nous a permis de gagner deux autres projets importants : les ouvrages de drainage des eaux pluviales de la ville de Lomé et le chantier du centre d’enfouissement technique des déchets solides du Grand Lomé. Eiffage est donc entré au Togo à la faveur d’une opération complexe techniquement, considérant que les critères étaient réunis pour pouvoir s’implanter localement de manière pérenne.

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Quels autres projets étudiez-vous ?

En Sierra Leone, l’extension gagnée sur la mer du terminal à conteneurs du port de Freetown exploité par Bolloré est en cours, les travaux maritimes démarrent en mai avec la construction du nouveau quai.

Notre activité au Maghreb tarde en revanche à démarrer

Le Ghana fait aussi partie des pays que nous regardons de près. Nous sommes d’ailleurs en compétition pour la construction du terminal à conteneurs du port de Tema exploité par Meridian Port Services [consortium réunissant Bolloré et APM Terminals]. Le moment venu, nous nous positionnerons sur les projets d’échangeurs, de ponts et de sections autoroutières du Bénin. Nous comptons également nous développer dans ce domaine en Côte d’Ivoire, où nous allons par ailleurs lancer d’ici quelques mois la construction du barrage hydroélectrique de Singrobo. Nous comptons devenir incontournables sur ce type d’ouvrages. Dans l’avenir, la construction des aéroports fera aussi l’objet de toute notre attention, même si nous n’avons pas encore remporté de marché dans ce secteur. Notre activité au Maghreb tarde en revanche à démarrer.

Compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur les États, n’est-il pas plus dur de boucler le montage financier d’un projet d’infrastructure en Afrique qu’en Europe ?

Nous contournons ces difficultés en nous plaçant comme constructeur, comme opérateur, mais aussi comme financeur des projets dans le cadre de partenariats public-privé [PPP], ce qui signifie que nous assumons une partie du risque financier. Cela rassure nos partenaires. En réalisant l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio au Sénégal [pour laquelle Eiffage a apporté 35 millions d’euros en échange d’une concession de vingt-cinq ans], on a démontré que l’on était capable de développer des PPP avec le même niveau de qualité en Afrique qu’en Europe.

C’est un mode de financement intéressant car il limite l’investissement public et permet aux États de consacrer leurs efforts financiers aux domaines régaliens comme l’éducation et la santé. C’est du gagnant-gagnant. Par ailleurs, en confiant l’exploitation de l’ouvrage au privé, cela permet de gérer la question de sa maintenance. C’est là que les projets d’infrastructures pèchent le plus souvent.

Nous avons vocation à être un acteur local par notre collaboration avec les entreprises du pays. Nous embauchons à 90 % des salariés locaux

Sur quels autres projets de PPP travaillez-vous actuellement ?

Aucun n’est à un stade suffisamment avancé pour que l’on puisse en parler. Nous pouvons seulement dire que nous avons marqué notre intérêt pour des mises en concession autoroutière au Congo. Pour que nous nous penchions sur un dossier de PPP, il faut que la construction nous soit confiée, mais aussi que la structure recueille une certaine adhésion sociale et qu’elle soit d’une taille suffisante pour nous permettre d’amortir le coût de son financement.

Comment se démarquer par rapport à vos concurrents turcs et chinois, qui pratiquent des prix plus compétitifs ?

Nous embauchons à 90 % des salariés locaux. Nous avons une capacité de déploiement très rapide. Nous avons vocation à être un acteur local par notre collaboration avec les entreprises du pays, et global grâce à notre capacité à fournir des réponses à des problématiques compliquées et à nous positionner sur des projets de génie civil de très grande dimension, mais aussi à forte technicité ou à composante multimétiers. C’est ainsi que nous valorisons le savoir-faire des bureaux d’études du groupe.

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