Côte d’Ivoire : Georges Armand Ouégnin, un « houphouétiste » chez les pro-Gbagbo
Son patronyme est intimement lié au PDCI. Mais Georges Armand Ouégnin a choisi les rangs de l’opposition et prend la tête de sa nouvelle coalition, Ensemble pour la démocratie et la souveraineté.
Côte d’Ivoire : Les Houphouët, enquête sur une famille en or
Depuis son décès, le 7 décembre 1993, l’héritage politique de Félix Houphouët-Boigny est au centre de la vie politique ivoirienne. Mais qu’en est-il des membres de sa famille, dont les membres ont rarement été au premier plan ? Notre enquête sur cette famille d’exception.
S’il porte un nom connu de tous en Côte d’Ivoire, peu ont déjà vu son visage. Demi-frère de Georges, le puissant chef du protocole de Félix Houphouët-Boigny, oncle de Yasmina, la députée frondeuse de Cocody, Georges Armand Ouégnin était jusque-là le membre le plus discret de cette puissante famille ivoirienne. À 65 ans, il a décidé de sortir de l’ombre. Mais cet homme, dont le patronyme est intimement lié au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a choisi l’opposition, devenant le président de sa nouvelle plateforme : Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS).
Il était pour moi l’homme le plus proche du peuple, celui qui connaissait le mieux la Côte d’Ivoire
Le 20 avril, lorsque la création de cette coalition a été annoncée dans la salle bondée d’un hôtel abidjanais, la photo de famille en a surpris beaucoup. Qui aurait imaginé un « houphouétiste » à la tête d’une force lancée par les plus intransigeants des socialistes ivoiriens ?
Au premier rang, Aboudramane Sangaré, le président par intérim de l’aile dissidente du Front patriotique ivoirien (FPI), applaudit pourtant des deux mains. Pour les vieux compagnons de route de Laurent Gbagbo, la loyauté de Georges Armand Ouégnin ne fait aucun doute. Son engagement auprès de l’ancien chef de l’État aujourd’hui détenu à La Haye remonte au début des années 2000.
« Il était pour moi l’homme le plus proche du peuple, celui qui connaissait le mieux la Côte d’Ivoire », explique-t-il. C’est à cette époque qu’il prend ses distances avec le PDCI, qui, selon lui, dévoie l’héritage du père de l’indépendance. En 2009, la rupture avec l’ancien parti unique est consommée lorsqu’il crée le Rassemblement pour la paix (RPP) avec Laurent Dona Fologo, un ancien ministre d’Houphouët. Un an plus tard, il accepte d’entrer dans le gouvernement de Gilbert Aké N’Gbo et de devenir secrétaire d’État chargé de la Sécurité sociale.
Il est le visage de la nouvelle coalition, mais il n’en est évidemment ni la tête pensante ni le décisionnaire
En juin 2011, Georges Armand Ouégnin, qui a contesté la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle, est arrêté. Après une incarcération de cinq mois à la prison de Boundiali, dans le nord du pays, il sera condamné en 2015 à deux ans de prison avec sursis pour atteinte à la sûreté de l’État. Des épreuves qui, pour les militants du FPI, valent plus que beaucoup de gages.
« Il est le visage de la nouvelle coalition, mais il n’en est évidemment ni la tête pensante ni le décisionnaire », relativise toutefois un cadre du parti. « C’est un homme mesuré mais aussi timoré et malléable », estime une autre personnalité de l’opposition. Comme si le costume était un peu trop grand pour lui, Ouégnin refuse pour l’instant toute interview. Incarner l’opposition au gouvernement « n’est pas facile » et « présente des risques », lâche-t-il seulement.
Signal d’ouverture de la part de la frange la plus radicale du FPI
Sa nomination relève-t‑elle d’un choix tactique ? En l’occurrence, c’est un signal d’ouverture de la part de la frange la plus radicale du FPI, considérée par beaucoup comme rigide et dogmatique. « Nous sommes en phase de recomposition, reconnaît l’un des proches d’Aboudramane Sangaré. Nous souhaitons maintenant rassembler le plus largement possible et nous pensons qu’il est de ceux qui peuvent nous y aider. »
En ligne de mire des partisans de Laurent Gbagbo, l’aile la plus frondeuse du PDCI. Lors de la dernière présidentielle, déjà, ils s’étaient alliés avec certaines personnalités dissidentes comme Charles Konan Banny et Bertin Konan Kouadio. Cette fois-ci, ils espèrent attirer plus largement, en séduisant les mécontents de l’alliance entre l’ancien parti unique et le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara.
S’ils veulent peser à nouveau, ils n’ont d’autre choix que de revenir dans le jeu politique
Alors que, depuis 2011, Aboudramane Sangaré et ses camarades ont choisi de boycotter tous les scrutins électoraux, ils envisagent désormais de participer aux municipales et, surtout, aux présidentielles de 2020.
« Ils ont compris que leur politique de la chaise vide avait atteint ses limites, estime un observateur. S’ils veulent peser à nouveau, ils n’ont d’autre choix que de revenir dans le jeu politique. » Visage neuf, discours édulcoré, Georges Armand Ouégnin, chirurgien réputé qui dirige le service d’urologie au CHU de Cocody, affirme vouloir seulement « réconcilier les Ivoiriens » et « réparer le pays ». Une tâche aux allures de mission, pour ce catholique très pratiquant.
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