Mohamed Darif : « Le régime marocain n’a plus besoin du PJD »

Le politologue marocain Mohamed Darif analyse la crise que traverse le Parti de la Justice et du développement (PJD).

Meeting du PJD en septembre 2016 avant les législatives d’octobre. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Meeting du PJD en septembre 2016 avant les législatives d’octobre. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

fahhd iraqi

Publié le 26 mai 2017 Lecture : 2 minutes.

Evincé du pouvoir – ou presque -, malgré ses résultats aux législatives, le Parti de la Justice et du développement peine à trouver une ligne directrice unifiée et une stratégie de reconquête.

Jeune Afrique : Au vu de la crise interne qu’il traverse, peut-on parler de début de la fin du PJD ?

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Mohamed Darif : En tout cas, c’est bien la fin d’une phase dans ses rapports avec le régime. Ce parti profite de largesses de la part des pouvoirs publics depuis 2004. À l’époque, l’islam modéré était dans l’air du temps, le PJD se présentait comme un modèle et servait de rempart contre des forces islamistes plus radicales, comme Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance). Il avait alors été dopé pour servir de vitrine, dans un contexte international qui favorisait l’implication des islamistes dans la gestion des affaires publiques.

La plus grande force du PJD réside dans sa base arrière idéologique, le Mouvement unicité et réforme [MUR]

Il a aussi été une carte gagnante, en 2011, pour désamorcer le Printemps arabe dans sa version marocaine, marqué par la montée en puissance des partis islamistes. Actuellement, l’islam politique n’est plus en odeur de sainteté auprès des puissances occidentales. Et le régime n’a donc plus vraiment besoin de ce parti.

Le contexte international avait changé bien avant les législatives d’octobre 2016. Pourtant, le PJD est arrivé premier lors de ces élections et a même amélioré ses résultats par rapport à 2011…

La plus grande force du PJD réside dans sa base arrière idéologique, le Mouvement unicité et réforme [MUR]. C’est ce dernier qui a permis un véritable ancrage dans la société, à travers un tissu d’associations qui profitaient des deniers publics et dont les activités étaient tolérées.

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Le régime pensait peut-être que le bilan assez médiocre du PJD dans la gestion de la chose publique allait suffire pour qu’il soit sanctionné par les électeurs. Mais ce raisonnement politique ne pouvait tenir face au travail de terrain mené pendant des années par le MUR, qui a su fidéliser un électorat pour le PJD en tenant un discours exclusivement religieux. Quand le régime s’est rendu compte que le vote de sanction n’allait pas suffire, il était trop tard pour réagir avant l’échéance électorale.

Mais on remarque que le MUR est dans le collimateur des autorités : ses prêcheurs sont écartés des mosquées, ses instructeurs dans les écoles coraniques sont suspendus, et les vannes des subventions publiques dont profitent les associations proches du mouvement sont plus contrôlées. C’est le régime qui a créé ce système, et il détient les clés pour le démonter.

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Comment voyez-vous l’avenir de cette formation ? Peut-elle éclater ?

L’histoire des partis politiques marocains a toujours été jalonnée de scissions. Le PJD n’est donc pas à l’abri d’une implosion. Il est fort probable que nous assistions à une vague de démissions en son sein. Lors des élections communales, la formation politique avait capté de nouveaux membres, qui l’ont rejointe justement parce qu’ils pensaient que le parti était dans les petits papiers du régime. Cela dit, même s’il ne connaît pas de scission, le PJD risque de devenir un parti normal, dont le poids sera moins significatif. Dans la conjoncture actuelle, les pouvoirs publics n’ont plus besoin de le doper.

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