Gastronomie : Paris-Tunis, un mariage culinaire réussi

Vous reprendrez bien du tartare de veau à la harissa ? Ou du crumble aux dattes ? Entre son pays d’origine et sa France d’adoption, le chef Nordine Labiadh n’a pas choisi. Et ses plats n’en sont que meilleurs.

Le cuisinier dans son restaurant « À mi chemin ». © Fabrice Veigas/ Editions Tana

Le cuisinier dans son restaurant « À mi chemin ». © Fabrice Veigas/ Editions Tana

Publié le 27 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

Nordine Labiadh, le chef du restaurant À mi-chemin, dans le 14e arrondissement parisien, n’a pas choisi le nom de son établissement par hasard. C’est bien une cuisine à la croisée des chemins qu’il propose à ses convives. Des plats simples, généreux, ensoleillés, sans chichis, dont l’originalité consiste en un voyage aller-retour entre la Tunisie de ses origines et son pays d’adoption, la France.

Des plats qui parlent

Ses plats racontent son parcours : né dans le Sud tunisien, à Zarzis, il grandit dans les cuisines de sa mère, l’observe tamiser les épices, se rend au marché pour l’aider, achète le poisson au port…

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Il découvre la gastronomie française à travers les plateaux-repas d’Air France rapportés par son père, expatrié, à chacun de ses retours au pays : bœuf bourguignon, millefeuille… L’enfant du sud tunisien se prend à rêver de foie gras et de fromages. Une fois son père à la retraite, il est enfin autorisé à traverser la Méditerranée.

Un pont entre Méditerranée et Atlantique

Arrivé à Paris en 1999, il trouve du travail comme commis dans le restaurant de celle qui deviendra sa femme, Virginie, d’origine angevine et bretonne. Elle lui fait découvrir les vins de la Loire, il lui réapprend le bonheur de manger au lieu de picorer.

Leur complicité se retrouve dans sa cuisine. Né face à l’île de Djerba, Nordine est ouvert sur le large. D’où sa connivence avec la Bretagne. Sa cuisine est un pont jeté entre Méditerranée et Atlantique.

Dans son caravansérail de Denfert-Rochereau, il sert les produits du marché sublimés par les parfums tunisiens : rognons de veau sauce badiane et fleur d’oranger dans les desserts. Les classiques hexagonaux réinventés grâce aux épices du Maghreb. Une poêlée d’escargots aux girolles ? Pourquoi ne pas la saupoudrer de cumin ?

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Foie gras de canard au… curcuma

De même, un boudin noir fond mieux sous la langue avec des pommes cannelle. Et le tartare de veau se voit fouetté par la harissa. Le parfait métissage Orient-Bretagne, ce sont ces bulots marinés aux épices, accompagnés d’une mayonnaise au citron. Le mariage France-Tunisie, c’est aussi ce foie gras de canard au… curcuma. C’est tout bête, mais il fallait y penser.

Les plats signature de Nordine Labiadh sont à cette image : tajine du pêcheur breton et couscous au poulpe ! Le bistronome n’oublie pas son père ouvrier et ne dédaigne pas servir un plat du pauvre : dans sa ojja, ces œufs cassés dans le concentré de tomate, ceux-ci ne sont pas brouillés avec les habituelles merguez mais avec des lardons.

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Une soixantaine de recettes

Le livre Paris Tunis reflète toute l’originalité de son univers à travers une soixantaine de recettes. En entrée, boulettes aux herbes ou thon rouge à la menthe. En plat, difficile de choisir entre la pastilla de canard à l’orange et cannelle et l’alléchant méchoui, avec épaule et côtelettes d’agneau, bien sûr, mais aussi rognons et foie. Ou encore mloukiya aux joues de bœuf, ce plat de fête vert bouteille dont le secret réside dans la poudre de corète, une plante qui pousse au pied des palmiers. Et une petite douceur pour la fin : un crumble aux dattes ou, pourquoi pas, un riz au lait à la cardamome infusée ?

Comme l’écrit le critique gastronomique Jacky Durand en préface de ce livre qui fait saliver, la chaleureuse cuisine de Nordine Labiadh est « un éloge de la tolérance, de l’échange, de la curiosité de l’autre […], avec toujours en filigrane une foultitude de racines, d’histoires de femmes et d’hommes qui s’entrelacent ».

Le monde ne serait-il pas meilleur si nous nous mettions tous en cuisine avec autant de bienveillance ?

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