Guinée équatoriale : du bon usage de la crise

Confrontée à l’effondrement des cours du pétrole, la Guinée équatoriale doit se réinventer pour sortir d’une économie presque entièrement dépendante de l’or noir, qui représente 90 % de ses revenus.

Malabo II, dans l’est de la capitale (sur l’île de Bioko). © Muriel Devey Malu-Malu pour JA

Malabo II, dans l’est de la capitale (sur l’île de Bioko). © Muriel Devey Malu-Malu pour JA

Publié le 1 juin 2017 Lecture : 4 minutes.

Vue aérienne du train GNL alimentant l’unité de liquéfaction de la Ecuatorial Guinea-Licuado Natural Gas, à punta Europa. © Renaud VAN DER MEEREN/EditonsduJaguar
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Guinée équatoriale : sans pétrole, des idées ?

Depuis que les cours du brut ont décliné, la Guinée Équatoriale est contrainte de réduire drastiquement ses dépenses et, surtout, de transformer en profondeur son économie.

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Elle est là, bien palpable. En à peine trois ans, elle a mis à mal les bases de l’économie équato-guinéenne, comme celles de pratiquement tous les pays de la sous-région. Ses contrecoups ont ébranlé l’ensemble des secteurs et ses méfaits affecté l’ensemble de la population. « Elle » ? La crise. Sa cause ? L’effondrement des cours mondiaux du pétrole, survenu en juillet 2014, conjugué à une baisse de la production d’hydrocarbures. Ce double choc a entraîné un recul des recettes budgétaires de l’État et, par ricochet, une chute du taux de croissance économique, qui était déjà négatif : de – 0,5 % en moyenne sur la période 2010-2014, il est tombé à – 9,9 % en 2016, selon le FMI.

Économie en berne

Depuis des années, les moteurs de croissance du pays étaient les hydrocarbures et les entreprises de bâtiments et travaux publics (BTP). Or, ces deux secteurs ont été les plus touchés par la chute des cours de l’or noir. Le calcul est simple : moins de recettes pétrolières, donc moins de ressources budgétaires, donc moins d’investissement public dans les projets d’infrastructures.

Malabo II, les tours qui logeaient les sièges de la plupart de ces grandes sociétés sont en partie désertées.

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Résultat, les grandes sociétés de BTP, dont l’activité est très exposée aux variations du budget d’investissement et aux impayés de l’État, ont dû, au mieux, réduire leurs activités, au pire, fermer. Dans un cas comme dans l’autre, beaucoup d’entre elles ont été contraintes de licencier et la population redoute désormais une nouvelle dégradation sur le front de l’emploi.

À Malabo II, les tours qui logeaient les sièges de la plupart de ces grandes sociétés sont en partie désertées. Dans tout le pays, le taux de remplissage moyen des hôtels tourne autour de 10 % et atteint tout juste 30 % pour les mieux achalandés. Des bars et des restaurants ont fermé.

Les compagnies aériennes ont réduit le nombre de vols vers la destination et, au port de Malabo, l’arrivée d’un bateau est presque devenue un événement… On est loin de la vocation de transit et de transbordement annoncée il y a quelques années. Seul le port de Bata connaît un regain d’activité, avec l’exportation de bois et la pêche industrielle.

Quotidien difficile

Conséquence, le quotidien est devenu difficile. Outre le chômage, qui touche même les jeunes diplômés, le pouvoir d’achat baisse alors que les prix ont tendance à augmenter. Tout le monde se serre la ceinture. À Semu, quartier populaire de Malabo II, le marché de la friperie attire chaque mardi de plus en plus de monde.

Une grande partie de la population s’habille avec des vêtements d’occasion

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Non pas qu’il soit devenu à la mode : c’est simplement qu’une plus grande partie de la population s’habille avec des vêtements d’occasion. En outre, de nombreux habitants ont renoncé à l’achat d’une voiture ou d’une maison, désormais considérées comme un luxe. Même la petite délinquance a fait son apparition, un comble dans un pays réputé sûr.

C’est dans ce contexte morose que se déroule la campagne pour les élections législatives, municipales et sénatoriales, prévues au second semestre de cette année. Pas de grande surprise à en attendre, l’activité politique étant largement dominée par le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE).

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Volonté d’ouverture

Réélu à la tête du pays en avril 2016 avec 93,7 % des suffrages, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a tenu à mobiliser ses troupes en se rendant dans tous les districts du pays, de début février à fin mars. Une « tournée d’État » inédite, qu’il a clôturée le 11 avril par une conférence de presse et un long discours.

La crise financière aboutit aujourd’hui à des changements majeurs pour le pays

À cette occasion, il a présenté la politique du gouvernement, basée sur la préservation de la paix qui caractérise selon lui la Guinée équatoriale, contrairement à certains de ses voisins déchirés par des conflits. Il a également mis l’accent sur la diversification de l’économie en s’appuyant sur l’initiative privée, le seul moyen de créer des emplois et de sortir du tout-pétrole, qui représente encore près de 90 % des revenus du pays.

À cet égard, force est de constater que la crise financière aboutit aujourd’hui à des changements majeurs pour le pays. Outre le plan de réajustement budgétaire engagé en 2015, le gouvernement a pris ces derniers mois des décisions majeures pour soutenir le secteur privé et lui faciliter la vie. Il a fait de même pour que la diversification, qui a fait l’objet de multiples rapports pendant des années, prenne enfin corps.

La production vivrière, notamment le maraîchage, est en progression. La filière pêche bénéficie de nouveaux dispositifs et d’une nouvelle réglementation pour appuyer l’activité artisanale, tandis que des négociations ont été engagées avec l’Union européenne pour un nouvel accord dans ce domaine. Dans le secteur du bois, particulièrement porteur, l’atlas forestier permet de mieux contrôler l’exploitation.

Enfin, de nouvelles mesures sont mises en place pour accélérer le développement du tourisme et de l’agriculture, ne serait-ce qu’en matière d’image et de visibilité, de façon que le pays accueille des investisseurs et des clients plus nombreux…

En quelques mois, ces signes révélateurs d’une volonté inédite d’ouverture, vers les patrons du privé et vers l’international, certes contrainte par la nécessité de trouver de nouveaux partenaires financiers, ont en tout cas changé le climat du pays.

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