RDC : Mobutu, les derniers jours d’un condamné
« Sauve qui peut ! » 6/6. En trois semaines, entre les mois d’avril et de mai 1997, son sort est scellé. Affaibli par la maladie, acculé par les forces de Kabila, le maréchal s’envole pour Lomé avant de rejoindre Rabat, où il décèdera le 7 septembre, à l’âge de 66 ans. Dans son livre « Mobutu », Jean-Pierre Langellier raconte la fin de l’Aigle de Kawele. Extraits.
[Série] Sauve qui peut !
Bozizé et Patassé, Mobutu, Bédié, Amadou Toumani Touré, Mnangagwa, Atangana Kouna… Tous ces hommes qui ont un jour été puissants, et qui parfois le sont redevenus, ont un point commun : ils ont été contraints de quitter leur pays. « Jeune Afrique » vous fait le récit de ces fuites inattendues, et parfois rocambolesques.
Le 29 avril [1997], Mobutu, entouré de sa famille et de ses proches collaborateurs, reçoit chez lui une délégation américaine de haut niveau, conduite par l’ambassadeur auprès des Nations unies, Bill Richardson, et qui comprend des diplomates, des membres du Conseil national de sécurité et des gens de la CIA. Manière de bien faire comprendre au « Grand Léopard » qu’il ne pourra plus jouer les uns contre les autres, et qu’il lui faut accepter sa « dernière chance » de partir « dans l’honneur et la dignité ».
En échange, Washington garantit sa sécurité personnelle. Richardson remet à Mobutu une lettre de Bill Clinton le pressant de rencontrer [Laurent-Désiré] Kabila et de nommer une équipe chargée de négocier le transfert du pouvoir. Faute de quoi, ajoute Richardson, « votre cadavre sera traîné dans les rues […] et nous n’y pourrons rien ».
« Mobutu », biographie fouillée parue aux éditions Perrin. Ancien journaliste au Monde, Jean-Pierre Langellier a consacré son dernier ouvrage à Léopold Sédar Senghor (également paru chez Perrin, en octobre dernier).
L’œil droit presque fermé
Avant de répondre, Mobutu s’inquiète du risque de voir les rebelles profaner la tombe de sa mère à Gbadolite. Mais l’ultimatum américain appelle une réponse immédiate. Il s’y soumet. Ses collaborateurs rédigent une lettre destinée à Clinton. Lorsque la délégation revient, Mobutu a changé d’avis. Plus question de démissionner. Il accepte seulement de rencontrer Kabila. […]
Le rendez-vous Mobutu-Kabila doit avoir lieu le 2 mai au large du port congolais de Pointe-Noire à bord de l’Outeniqua, un bâtiment de la marine sud-africaine. Nelson Mandela accueille les deux hommes. Cinq heures de discussions sont nécessaires pour faire monter Mobutu à bord du navire, ses médecins lui interdisant l’hélicoptère à cause des vibrations. Il ne peut pas non plus gravir les trente et une marches de l’échelle de coupée.
Le contraste saute aux yeux entre un Mobutu sombre, abattu, et un Kabila au sourire rayonnant de la jubilation silencieuse des vainqueurs
Marchant difficilement, l’œil droit presque fermé par une concentration de métastases, il entre finalement dans le ventre du navire à bord d’une limousine qui s’engouffre dans la cale. À Luanda, où il attend, Kabila annonce qu’il n’honorera pas le rendez-vous. Lassés de faire des ronds dans l’eau, Mandela et Mobutu regagnent Pointe-Noire dans la nuit. Kabila multiplie les préalables à sa venue à bord, arguant notamment de l’absence d’une… invitation. Mandela, exaspéré, téléphone à Kabila et laisse éclater sa colère.
Bien s’informer, mieux décider
Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles